Les explications mystiques passent pour profondes ; la vérité est qu'elles ne sont même pas superficielles.*
Après avoir exécré El Topo, Le Grand Sage dit : Jodorowsky, basta. FINITO !
La symbolique arts pla intello hippie surfant sur un style théâtral complètement bancal, ce n'était vraiment pas la tasse de thé du Grand Sage. Le plus agaçant, c'était cette prétention à transmettre LE message spirituel ultime, réservé à une poignée d'illuminés et de mangeurs d'acide. Et lorsqu'on est aussi peu touché, comme Le Grand Sage, par cette spiritualité de fumeur de joints, ce rythme mollasson, ce ridicule ton solennel et divin dans le cheminement métaphysique d'El Topo, on ne peut que recevoir ce film comme une grosse caricature. Jodorowksy se prend pour un immense sorcier - et Le Grand Sage déteste la vanité. Il pousse le premier degré jusqu'à jouer lui-même le rôle du héros, et son fils le rôle du fils du héros. "Regardez-moi traverser le 4ème mur, ma vie est mon oeuvre, je suis l'art, mes délires spirituels sont dignes de chef-d'oeuvres, mon film-vie me transcende donc il vous transcendera...". Imbu de son auto-contemplation, Jodo-narcisse réalise un film sur lui-même, pour lui-même... Et n'allez pas me dire que la technique de réalisation vaut ce que la pauvreté du propos n'a pas sauvé - dit Le Grand Sage.
Dans Jodorowsky's Dune, nous entendons donc parler cet odieux personnage. Et malheur : il est à l'image (mais l'image parfaite !) des impressions laissées par El Topo. Entendez-le parler : "mon film", "mes idées", "tout devait être exactement comme je l'imaginais", "mon film aurait dû ouvrir l'esprit des gens et révolutionner les consciences", "je voulais reproduire les effets de la drogue", "mon film devait être le plus grand film de science-fiction de tous les temps"... et ce sourire fier, cette attitude frénétique de forcené de la création pour la création... cette présomption à s'autoproclamer comme l'unique créateur d'un film, niant par là-même la dimension collective du cinéma, crachant au passage sur le travail de la production (il voulait principalement critiquer certains producteurs, mais dans la maladresse de son expression, les englobe tous dans une même insulte)... refusant ce que d'autres eurent put apporter à l'oeuvre au-delà de ses propres idées... et toujours, cette prétention spirituelle pompeuse, à croire qu'il pense que ses trips psychédéliques ont réellement une dimension universelle, absolue...
Jodorowsky's Dune est une sorte de fascination collective complètement irrationnelle pour l'objet culte qu'est ce film-genèse - réalisé par et pour des obsédés de cette oeuvre, persuadés de sa grandeur. Allant jusqu'à supposer une théorie du complot selon laquelle ce film aurait été "dangereux", à cause du tel élargissement des consciences qu'il aurait provoqué... mhhh, oui, j'aime beaucoup les omelettes moi aussi... Et Le Grand Sage, s'interrogeant : "Comment pouvez-vous élever, sublimer, glorifier cette oeuvre qui n'a jamais été réalisée, puisqu'elle n'est qu'un concept ? Par quel sombre obscurantisme jugez-vous ce concept comme s'il était une oeuvre achevée ?". Il a raison : le propos même de ce film repose sur une frénésie, un fantasme de grandeur. Des groupe célèbres qui auraient chacun composé un thème (quelle insulte...), un casting exubérant (Mick Jagger, Orson Welles, Salvador Dali...), des décors pharaoniques, 12 heures de montage final, des plans-séquences-travellings géants... toujours plus, toujours plus grand, toujours plus gros. Et Jodorowsky le capricieux de s'étonner que la production lui refuse un pareil projet (sans compter son caractère, ses mimiques, ses bobards, et ses pulsions de merde !) : son film aurait été un burger à dix-huit étages, et Le Grand Sage dit qu'un burger à dix-huit étages, on ne le digère pas. On le vomit.
Pourtant, qu'est-ce qu'il est intéressant d'entendre parler de grands illustrateurs, et notamment de plonger dans l'univers de Giger ou de suivre le subtil story-board de Moebius. Mais leur pratique est survolée, on revient sans cesse à cet affreux fanatique, qui, dans l'expression de ses idées, apparaît plus comme un pervers cramé par la drogue que comme un auteur de cinéma... On a le droit en prime à une réflexion misogyne soutenue par un discours artiste-surréaliste-symboliste à un moment, pour ceux que ça intéresse de voir un détraqué rire du viol dans la plus grande décontraction !
Et puis de toute façon, dit Le Grand Sage, ce film, s'il avait été réalisé, n'aurait même pas été bien...
Le Grand Sage, c'est moi.
C.M.
Cet artiste est ambitieux et rien de plus : son oeuvre n'est en fin de compte qu'un verre grossissant qu'il offre à tout homme regardant dans sa direction.*
*: Le Gai Savoir, paragraphes 126 et 241. NIETZSCHE.