Jodorowsky's Dune n'existera jamais, c'est un fait, une dure réalité, une utopie morte dans l’œuf.
Un beau jour naîtra un projet similaire mû d'une ambition, hélas, moindre. Sera-t-il un film d'animation ? En prises de vues réelles ? Peu importe. Qui le réalisera ? Refn ? Del Toro ? Peu importe. Combien coûtera-t-il ? Un milliard, un demi ? Peu importe encore. Peu importe car même en se servant de l'immense bagage de story-boards et d'artworks laissé par Jororowsky et son ex-équipe, Dune ne sera jamais le rêve que fit ce grand homme, ce fou, comme Dune n'aurait jamais été fidèle à l’œuvre originale d'Herbert. Lors de sa conception, Jodorowsky n'avait même pas lu le livre, il s'en moquait bien. Il voulait créer LE film, pas un film comme les autres mais une œuvre d'art. Et bon sang que la vision de cet homme est alléchante.
Si Jodorowsky avait réussi a obtenir le financement nécessaire (15 millions de dollars dans le courant des années 70), Dune aurait pu être le plus grand film que le septième art ait jamais connu et qu'il ne connaîtra jamais. S'il était sorti en temps voulu, Star Wars n'aurait peut-être pas existé et les enfants se déguiseraient de nos jours en Fremen avec de petits distilles pour Halloween. Mais Dune était trop beau, le projet trop ambitieux, trop fou pour son média, trop grand pour en faire un film. Imaginez un peu le casting : David Carradine en Duc Leto, Dali en Empereur Padishah IV, Mick Jagger en Feyd-Rautha et Orson Welles en Baron Harkonnen... Il y a de quoi rêver, fantasmer jusqu'à en avoir des frissons. Imaginez alors Pink Floyd à la bande son, Giger comme l'un des principaux consultants artistiques et pleurez chers amis, pleurez car le diamant est trop beau, trop brillant.
Plus le documentaire avance et plus on se retrouve emprunt d'une incommensurable frustration. Une déception lorsqu'on entend Jodorowsky parler de son bébé avec amour et grandiloquence. Une colère, même, contre ces producteurs qui ont refusés de financer ce projet si peu conventionnel pour une énième histoire de pognon... Mais toutes ces émotions sont illusoires, tout comme l'est le film. Jodorowsky's Dune n'aurait jamais pu voir le jour de la manière où on aurait pu l'attendre. La légende autour du projet est telle que le vrai Dune du réalisateur ne pourra être qu'un rêve que l'on garde près de soi. Une utopie doit parfois rester indéniable pour pouvoir en rester une, c'est ce qui rend le projet mythique.
Alors on rêve, on vit l'illusion de Jodorowsky mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit là d'un fantasme, construit au fil des décennies, un but pour tout créateur, pour tout artiste.
Un très beau documentaire à n'en pas douter.