Les chansons de Leonard Cohen infusent et sont le véritable fil conducteur du chef d’œuvre d’Altman : l’atmosphère imprégnée de lyrisme éthylique correspond parfaitement à l’idée de ce qu’il se fait du vieil ouest, qu’il façonne, tel un orfèvre, en jouant sur la gamme des couleurs, les bruns et les gris dominants, les couleurs vivent étant exclues, à l’exception du doré. Altman, fidèle a son habitude, a choisi un argument de départ très classique, respectant les considérations historiques et économiques du genre westernien, pour mieux le faire exploser. Sa vision de l’Ouest est misérabiliste, anti héroïque : les prostituées soignent leur clients à coups de couteau, le pasteur est un vrai lâche, les tueurs sont des sadiques répugnants, Mrs Miller est une capitaliste corrompue, Mc Cabe un arriviste amoral. La communauté se précipite non pas vers l’église en travaux, mais au saloon en puis au bordel, itinéraire que tout habitant connaît sur le bout des doigts. Le boue environnante est omniprésente ; chacun y patauge et s’y enfonce à satiété. Peu importe, les canevas au western classique éclatent de toute part pour notre plus grand plaisir, et ce qui aurait pu se transformer en grivois tract anti conformiste devient grâce au génie de la réalisation un très grand moment de cinéma.