Papy fait de la resistance
Rambo c'est avant tout une affaire de malentendu. 1982 Ted Kotcheff (qui n'a pas eu une carrière à la hauteur de ce fabuleux First Blood) nous montre un vétéran du Vietnam pris à partie par un...
le 12 mai 2010
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Revenu d’entre les morts en 2006 avec ‘’Rocky Balboa’’, Sylvester Stallone poursuit son come-back. Inspiré par le célèbre adage ‘’On n’est jamais mieux servi que par soi-même’’. Après une série de films médiocres et une mauvaise chirurgie esthétique, Sly mettait en scène à deux ans d’intervalle ses deux personnages fétiches : Rocky et Rambo.
‘’Rambo’’, le quatrième volet des aventures du béret vert un peu vénère, est venu un peu de nulle part pour complètement dynamiter la saga. Au point d’en être la suite la plus réussie. Pas de suspens inutile, ce film est sans doute, avec ‘’First Blood’’ celui qui parvient à cerner le mieux le personnage de Rambo. Surtout, il livre une image de la guerre qui est loin d’être cool, comme c’était le cas dans ‘’Rambo – First Blood Part II’’ et ‘’Rambo III’’.
Ici la guerre ça fait des victimes quantifiables, et le spectateur est pris directement à témoin. Des corps explosés, des têtes arrachées, des démembrements sanglants, des boyaux répandus en pagaille, autant dire que c’est un carnage. Un vrai film de Guerre, avec un message réservé à tout bon film du genre, à savoir le pacifisme. Plus radicale que dans les autres volets, la guerre est ici montrée comme une activité horrible, perpétrée par des soldats corrompus et sadiques.
En opposition aux horreurs militaires, le récit inclus un groupe d’évangélistes qui cherchent à gagner clandestinement la Birmanie, afin d’aller faire du prosélytisme. Sous couvert d’apporter une éducation, des soins médicaux, et un espoir dans un pays meurtri par une guerre interminable, menée par la junte militaire au pouvoir.
Étonnement, Stallone est plutôt bienveillant avec ces chrétiens qui se prennent pour des saints répandant la bonne parole. Ils requièrent Rambo, devenu chasseur de serpents au Laos, de les mener à destination, mais il leur déconseille fortement de mener à bien leur périple. Ce conseil venant d’un vieux militaire désabusé, ne les convaincs pas, et ils insistent. Lourdement. Rambo les avertis des dangers inconsidérables de leur mission évangélisatrice.
C’est sur ce postulat qu’un Rambo qui ne croit plus en l’être humain, accepte de les mener en Birmanie. Quelques jours plus tard le village où se trouvent les chrétins est attaqué, lors d’une séquence d’une violence viscérale rare. Rambo est alors recruté pour mener des mercenaires en Birmanie, chargés d’aller chercher les américains capturés. Et là, le film prend toute son ampleur.
John Rambo est un personnage en quête permanente d’une paix intérieure. Mais depuis le premier volet, le mec souffre clairement de Stress Post Traumatique. Et c’est seul face à ses démons qu’il cherche à s’en sortir. Vingt ans séparent ses exploits en Afghanistan de ce moment où en tant que spectateur on le retrouve, paisible, en train de chasser des cobras. L’homme a vieillis, comme Stallone il est un peu abîmé, un peu cassé, du fait de ne plus trouver sa place dans un monde qu’il ne comprend plus.
Stallone appartient à une génération d’acteurs qui à la fin des années 1990 ont connu un déclin spectaculaire. Les Blockbuster remplit de stars remplaçant peu à peu les mégastars portant seules une production sur leurs épaules. Une race d’acteur aujourd’hui disparue, si ce n’est Tom Cruise, qui parvient à se maintenir comme tel. Mais au début des années 2000, les Stallone, les Schwarzenegger et les Van Damme, perdent le privilège des salles de cinéma, pour des DTV parfois bas de gamme (Même s’il existe des exceptions).
Leurs carrières se mettent à stagner sévère. Au milieu des années 2000 Van Damme a disparu, Schwarzenegger est gouverneur de Californie, et Stallone n’a pas connu de succès depuis 1997, avec ''Copland''. Cantonné à des productions foireuses (‘’Avenging Angelo’’), où des seconds rôles dans des films douteux (‘’Spy Kids 3’’…).
En 2008, c’est plus que Rambo qui revient sur le devant de la scène, c’est Stallone qui vient avertir qu’il est encore là. Qu’il est encore en forme, prêt à décimer des armées entières. Et c’est un pari gagnant, puisqu’après ce retour il enchaînera le jouissif ‘’Bullet to the Head’’, l’excellente trilogie ‘’Expandables’’, le nostalgique ‘’Grudge Match’’, et le sympathique ‘’Escape Plan’’. Dans lequel il partage l’affiche avec le revenant Schwarzenegger.
‘’Rambo’’ c’est un peu le côté pile de ‘’Rocky Balboa’’, n’existant qu’en parallèle de la carrière de Stallone. Dedans il montre qu’il est loin d’avoir raccroché les flingues, et qu’il en a encore sous le capot. Et le tout à 60 ans passé. Des remontés de carrière comme celle-là, seul Stallone en a le secret. Toujours là où il n’est plus attendu.
Changement d’époque oblige, le 11 septembre étant passé par là, un cinéma plus violent s’installe peu à peu sur les écrans. Les images de l’actualité étant devenues de plus en plus folles, il est naturel qu’au cinéma la représentation, ou l’interprétation de cette violence s’y répercute. ‘’Rambo’’ se place ainsi comme un parfait curseur sur cette expansion de la violence visuelle au cinéma. Par le biais d’une démarche sans aucunes concessions, dans la retranscription des fusillades (la séquence finale est en cela époustouflante, un carnage qui frôle avec l’opéra gore…), ou dans la manière d’aborder le personnage principal.
Le vieil homme est plus fermé que jamais, réduit à sa nature la plus brute. Une fois de plus il doit se confronter à cette partie de lui qui sait ce qu’il fait le mieux : tuer. Pourtant il passe sa vie à essayer de se retrouver, comme être humain. La spiritualité du personnage prend dès lors une place centrale. Il essaye même de se prêter à la prière, mais c’est pas son truc. Il a été témoin de tellement d’horreurs, que croire en l’existence d’un Dieu lui est impossible.
C’est là l’une des thématiques riches du métrage : la croyance. Pour exemple, le leader de l’expédition d’évangéliste, est un homme propre sur lui, qui refuse catégoriquement le meurtre, sous toutes ses formes. Lorsque Rambo leur sauve la vie en abattant froidement une demi-douzaine de pirates, le type le sermonne. Pétri de vertu et de valeurs, il vit aux États-Unis dans une petite communauté chrétienne à côté de la plaque. Conforté par son confort, il croit pouvoir changer quelque-chose en se rendant dans une zone de guerre.
Mais comme le leur fait remarquer le sage Rambo, s’ils n’ont pas d’armes il ne changeront rien. Désabusé complet. L’homme bon nous est présenté comme un personnage assez agaçant, trop investit par sa mission, qu’il place au-dessus de tout. Mais lors d’une séquence émotionnellement forte, au beau milieu de la mitraille, des tripes, et des morceaux de corps humains, il ramasse une pierre et éclate sauvagement la gueule d’un soldat qui voulait le tuer.
Rambo était dans le vrai. Pour changer les choses, face à l’horreur et l’indicible, pour lui il faut jouer avec les mêmes cartes en mains. La paix c’est bien, mais c’est une chimère, le cœur des hommes est beaucoup trop sombre et tortueux pour permettre une paix durable et valable. Face à des cinglés de la gâchette, des pervers narcissiques qui assouvissent leurs pulsions en massacrant des êtres vivants, Dieu n’est pas d’une grande aide. Rambo Oui.
En mêlant son œuvre d’une touche de spiritualité, Sylvester Stallone épure complètement le personnage de Rambo. Ce n’est pas un superhéros. Ce n’est pas un méta-humain. C’est un homme, fait de chair et d’os, qui peut être blessé, ou tué. Il peut se tromper, il est faillible, et ce n’est pas une divinité qui intervient de manière inattendue. Dès le début du récit, il dit aux membres de l’expédition ce qu’il va leur arriver. Il n’y a aucune surprise, et aucun acte divin. Et ça, ça pète à la gueule des évangélistes.
Stallone en revient alors à citer tout un autre pan de cinéma : le Western. Ceci n’est pas flagrant dans les premiers épisodes (si ce n’est la fusillade finale dans ‘’First Blood’’, et son anti-climax), mais cette fois Sylvester Stallone convoque un peu de John Ford pour constituer le personnage de Rambo. L’homme tranquille, bourru au grand cœur, dur mais tendre, qui rappel sans problème à une convention, campée de nombreuses fois par John Wayne. Stallone est un acteur dans la ligné de Wayne. Dans les années 1980 il portait bien haut les valeurs d’une Amérique triomphante, comme le Duke dans les années 1950.
En poussant les limites de cette conception, Stallone fait de Rambo un cousin de l’archétype du Cow-boy, immortalisé par ‘’Shane’’ en 1953. Reprit par Clint Eastwood dans ‘’High Plains Drifter’’ en 1973 et ‘’Pale Rider’’ en 1985. Une codification du héros repoussée à l’extrême. Chez Eastwood c’est un fantôme qui vient se venger, libère un village du joug de hors-la-lois, puis disparaît dans le désert. Dans ‘’Shane’’ le héros accomplit sa mission et disparaît dans le soleil couchant. Mais existe-t-il vraiment ? Le personnage est tellement réduit à sa simple fonction, qu’il en devient fantomatique.
Il en va exactement de même dans ‘’Rambo’’, notamment avec le plan qui suit le massacre final.
Rambo bute le grand méchant dans une scène très graphique, en lui arrachant les boyaux. Il se trouve sur une colline surplombant le champ de bataille jonché de corps explosés. La main posée sur son épaule blessée, il contemple le carnage qu’il vient d’accomplir, puis porte son regard sur les survivants. Ces derniers aperçoivent au loin, une silhouette fantomatique, qui a accompli son devoir (en tuant des centaines de personnes certes), et sauver ceux qui en valaient la peine. Les gentils chrétins un peu naïfs.
Le traitement même des soldats birmans, réduits à une masse informe, explique leur présence uniquement par le fait qu’ils se font ruer. Sans aucune empathie, ça permet de multiplier la sympathie que l’on peut porter aux évangélistes. Même s’ils sont un peu cons, ce sont les seuls motivés par un réel désir de paix. Celle-là même à laquelle John Rambo ne croit plus depuis qu’il a vécu le pire au Vietnam
Enfin, Rambo semble avoir retrouvé la paix, par un plan final qui va en ce sens. Il répond directement au premier plan de ‘’First Blood’’, avec Rambo, en jean, avec sa veste militaire et un sac sur le dos, qui marche. Ici il s’arrête devant une boite aux lettres sur laquelle est écrit ‘’R. Rambo’’. Il est enfin revenu chez lui. Cet endroit qu’il cherche depuis qu’il est revenu du Vietnam dans les années 1970. Cette maison où il pourra être en paix avec lui, et avec son pays. Le retour de Rambo en Arizona, dans la ferme de son père vient ainsi clôturer poétiquement une saga assez unique dans le cinéma Hollywoodien. Puisque le 2 et le 3 sont quand même assez risibles aujourd’hui. Mais avec ce quatrième volet, Sylvester Stallone est parvenu à créer une quadrilogie cohérente, explorant un personnage passionnant, car très borderline sur beaucoup d’aspect de sa personnalité. John Rambo c’est une entité épurée de ce qu’est l’American Way of Life, réduit à sa moelle la plus substantielle, en livrant un modèle riche dégagé de toute fioriture.
Mais l’univers étant d’une générosité extrême, 11 ans après, une cinquième aventure cinématographique de John Rambo parvient sur nos écrans. Le personnage a-t-il encore des choses à livrer ? Est-ce la suite de trop ? Vous le saurez en lisant la prochaine chronique...
‘’Rambo : Last Blood’’. (ce tease de malade !)
-Stork._
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Créée
le 10 févr. 2020
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