Il y a parfois des choses qui nous échappent. Même pas sorti, Joker s'est annoncé comme le phénomène de l'année (voire plus), bien aidé par une campagne marketing agressive via les internets et un inespéré Lion d'Or à Venise. Après coup, il n'en demeure pas moins un bon film, porté par la performance extraordinairement habitée de Joachim Phoenix. De sa perte de poids aux rires nerveux, le jeu de l'acteur est aussi une démonstration physique avec ses postures tordues comme un homme coincé dans son enveloppe corporelle, un monde pas fait pour lui. On en vient justement au problème qu'évoque sans équivoque Joker : le super-méchant le plus charismatique de l'univers des comics ne serait autre que le fruit de la société, un monde foncièrement pourrie à la racine qui n'attend qu'à exploser.
(Pour éviter les spoils, ne pas lire la suite.)
Une morale martelée dans la dernière partie du film mais en totale inadéquation avec son principal protagoniste. Indubitablement malade mental et issu d’une cellule familiale totalement instable, il n’y a aucun doute sur la personnalité du Joker, c’est un fou et ses réactions, son instabilité sont uniquement dues à un coup sur la tête. Alors que le doute sur la nature des ses actes auraient pu nous emmener vers des terrains inconnus, la première crise de rires du personnage est explicitée très clairement comme maladive. Les pirouettes scénaristiques pour nous emmener vers le chaos final ne sont alors qu’une accumulation de rencontres avec des individus plus abjects les uns que les autres qui ne cherchent qu’à tabasser et injurier. Rien ne contrebalance la tendance, même pas la figure emblématique de Thomas Wayne, salaud lui aussi, ou de la girl next door ce pur fantasme. Dans ce bas monde, tout est très premier degré, pas besoin de réfléchir puisque c'est prémâché : Joker est un méchant malgré lui (et Dark Vador serait passé sous le bureau de Palpatine).
Enfin, ce Gotham prétendument en déliquescence souffre indéniablement de la comparaison avec ses inspirations 70’s. La cradeur et la certaine authenticité du New York de Taxi Driver est plus prégnante dans les Batman animés des années 90… Quant au clin d’oeil De Niro (enfin un rôle sérieux), il rappelle finalement que Joker a tout du remake de La Valse des Pantins. Quand on mange de la bouillie Marvel / DC toute l’année, la soupe a tout de suite meilleur gout.