C’est auréolé d’une récompense à la Mostra de Venise et d’une pluie de critiques dithyrambiques annonçant un classique instantané et une performance d’acteur de la part de Joaquin Phoenix emprunte d’une folie à la hauteur du personnage qu’il interprète, que déboule sur les écrans le Joker de Todd Philipps.


Et c’est à la fois convaincu par l’admirable démonstration de l’acteur principal et la photographie impeccable signée du chef op ‘ attitré de Todd Phillips, Lawrence Sher qui restitue admirablement l’ambiance des bas-fonds d’un Gotham City aux airs d’un New York de fin seventies, on se croirait dans un Scorsese ou un Abel Ferrara de la grand époque, et un peu surpris de l’extrême engouement et du satisfecit généralisé qui caractérise ce film, que je suis personnellement sorti de la salle avec une étrange impression de m’être à la fois fait dupé et d’avoir finalement trouvé ce que j’étais venu chercher, un anti-Avengers caractérisé qui donne enfin la part belle à l’envers du décor et met en avant la genèse de l’un des ses méchants. Sauf que d’autres l’avaient déjà fait avant.


Le mixe entre un formalisme plutôt audacieux, une mise en image d’une grande maîtrise de la part de Phillips et l’incroyable performance hallucinée et hallucinante de Phoenix ont malheureusement beaucoup de mal à effacer le manque de crédibilité d’un récit extrêmement prévisible et le manque totale de crédibilité que le réalisateur parvient à donner à sa sur-dramatisation situationnelle. Les scènes où Arthur Fleck commence à passer à l’acte sont poussives et mal amenées et la façon de montrer son rejet par la société à travers une vitre de taxi, sensée nous le rendre empathique, assez débilitante.


Cherchant à dresser un portrait sans concession et sans empathie apparente d’un quidam qui sombre dans une folie à laquelle son environnement et sa condition l’amène inévitablement, le réalisateur choisit la voie évidente de l’aliénation mentale d’un personnage au bout du rouleau dont les illusions débouchent sur des désillusions, noircissant de façon mécanique et beaucoup trop voyante cette illustration de la souffrance dans tellement de démonstrations grotesques que ça en devient récursif.


Vendu comme un sommet transcendant les outrances à la violence sèche dérangeante, il s'avère au final un spectacle bien inoffensif


C’est certes plutôt réussi d’un point de vue visuel, mais cette tendance du réalisateur à assombrir son tableau avec des artifices pompeux, un tableau faussement glauque et emprunt de clichés de la misère sociale et une musique encombrante et souvent envahissante donnent comme un goût de fadeur à une œuvre que l’on aurait voulu plus pondérée et au final moins académique dans son anti-académisme.


Restent quelques beaux moments de cinéma où le clown incarne à merveille le délabrement de l’âme infantile au profit de la dégénérescence. Jusque ce que je sois définitivement convaincu qu'au fil du récit, tout reposait sur la performance de Joaquin Phoenix.

Créée

le 9 oct. 2019

Critique lue 1.2K fois

18 j'aime

5 commentaires

Critique lue 1.2K fois

18
5

D'autres avis sur Joker

Joker
Samu-L
8

Renouvelle Hollywood?

Le succès incroyable de Joker au box office ne va pas sans une certaine ironie pour un film qui s'inspire tant du Nouvel Hollywood. Le Nouvel Hollywood, c'est cette période du cinéma américain ou...

le 8 oct. 2019

236 j'aime

14

Joker
Larrire_Cuisine
5

[Ciné Club Sandwich] J'irai loler sur vos tombes

DISCLAIMER : La note de 5 est une note par défaut, une note "neutre". Nous mettons la même note à tous les films car nous ne sommes pas forcément favorables à un système de notation. Seule la...

le 11 oct. 2019

225 j'aime

41

Joker
Therru_babayaga
3

There is no punchline

Film sur-médiatisé à cause des menaces potentielles de fusillades aux États-Unis, déjà hissé au rang de chef-d'oeuvre par beaucoup en se basant sur ses premières bandes-annonces, récompensé comme...

le 2 oct. 2019

194 j'aime

123

Du même critique

La Chienne
philippequevillart
8

L'ange et la mort

Dans La Chienne, second film parlant de Jean Renoir, c’est surtout quand les voix se taisent et que l’image reprend naturellement ses droits que le lyrisme dramatique s’impose pour offrir de grands...

le 31 janv. 2023

19 j'aime

2

L'assassin habite au 21
philippequevillart
8

Meurtre oblige

Première incursion de Clouzot dans un genre auquel il donna ses plus belles lettres de noblesse, en l’occurrence le thriller à la Hitchcock. Pour se faire il adopte un style emprunt à la Screwball...

le 21 avr. 2020

18 j'aime

8

Joker
philippequevillart
6

Autant de clown clinquant

C’est auréolé d’une récompense à la Mostra de Venise et d’une pluie de critiques dithyrambiques annonçant un classique instantané et une performance d’acteur de la part de Joaquin Phoenix emprunte...

le 9 oct. 2019

18 j'aime

5