Cinq ans après l’Imposture/la Révélation qu’a été Joker premier du nom, Todd Philips renvoie Joaquin Phoenix à Gotham pour rétropédaler/poursuivre l’histoire du comique raté/clown anarchiste fraîchement interné, sur le point d’être jugé pour les meurtres revendiqués et commis publiquement.

Qui est-il ? Arthur/Joker ? Voilà la question sur laquelle se fonde la défense de son avocate. Pour Lee, une internée menteuse/amoureuse et portée sur la chanson, c’est tout vu et elle ne va avoir de cesse de pousser/manipuler Arthur pour faire sortir le « Joker », qui gronde/danse de son intérieur, attendant son heure.

Seulement voilà, malgré tous les efforts chantés et maquillés, Arthur, à l’issue de son procès, avoue la terrible vérité : il n’y a pas de Joker. De quoi en diviser plus d’un, que ce soit au tribunal, dans les salles de cinéma, sur des sites comme celui-ci ou même jusqu’à l’introduction du présent papier !

Mais revenons brièvement en arrière car, avant de mettre un terme à la mascarade, cette itération fantasmée du clown prince du crime est maintenue artificiellement en vie le temps de séquences musicales qui annonceraient presque le drame tant elles s’intègrent lourdement à l’ensemble et allongent inutilement le récit. Cela est regrettable car, sur le papier, l’idée d’exploiter de manière plus prononcée la dimension psychique musicale était prometteuse étant donné qu’elle s’inscrivait, dans une certaine mesure, dans la continuité du premier film et permettait à Todd Philips d’être (enfin) fort de propositions originales. Encore fallait-il qu’elles soient utilisées à bon escient et bien amenées… Ces show donnent néanmoins l’occasion à Lady Gaga de pousser la chansonnette. La concernant, les pincettes restent toutefois de mise car, malheureusement, son personnage, pourtant si mis en avant depuis l’annonce du projet, a des allures de serpent de mer et son écriture manque cruellement de consistance, sans compter que ses apparitions à l’écran ne font que susciter la méfiance du spectateur, désormais bien averti, quant à leur véracité. On ajoutera à ce bref tour d’horizon la finesse avec laquelle la supercherie consistant à nous faire croire que cette histoire a pour scène la ville de Gotham est perpétuée : Arthur est tout naturellement interné à Arkham et Thomas Wayne passe le relais à Harvey Dent, le temps d’un procès, d’apparence prenant, qui n’a que pour but de commenter les événements du film de 2019, comme pour remettre en question le succès de ce dernier.

Sous ce prisme, une dimension méta pourrait être conférée à cette suite, en ce qu’il pourrait être soutenu qu’elle cherche à ramener le public à la raison en revenant sur la violence des faits relatés dans le premier film. Le personnage de Lady Gaga pourrait d’ailleurs être ici perçue comme une personnification des fans de Joker, elle qui idolâtre avant d’abandonner celui sur lequel elle avait jeté son dévolu (intéressé ?) mais qui ne chante plus, littéralement, avec elle. Pourtant, la déception quant à ce mea culpa peut laisser place à un sentiment de « bon sens » dès lors que l’on réalise qu’il était, depuis le début, difficilement concevable de voir en ce martyr sociétal, l’ennemi juré du Chevalier Noir en devenir mais aussi que l’un ne peut exister sans l’autre. D’aucuns diront que c’est ce que semble faire Todd Philips ici, comme si l’on suivait le fil de ses pensées en quelques sortes, quitte à tenir la jambe de celles et ceux suffisamment motivés pour venir à bout des presque 2h20 de pellicule…

Force est d’admettre que nous avons à faire à un curieux objet : une suite d’un film particulièrement apprécié qui le prend complètement et contre toutes attentes à contre-pied, en se voulant critique à son égard, tout en essayant de le réinventer. La présence de Joaquin Phoenix qui se glisse de nouveau dans la peau d’Arthur comme s’il ne l’avait jamais quitté, la photographie soignée ou les notes d’Hildur Ingveldardóttir Guðnadóttir n’y changeront rien : la farce ne semble pas avoir été au goût de tout le monde ! 6/10 !

vic-cobb

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6

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