«Nous savions qu’il nous fallait être très ambitieux et réaliser un film aussi fou et audacieux que le Joker en personne», a expliqué Todd Philipps quand la suite du Joker a été (forcément) envisagée. Le film ayant rapporté plus d’un milliard de dollars, les producteurs ont conclu qu’il n’était pas nécessaire de se poser la question. L’idée maîtresse ? Prendre le contre-pied. Déjouer les attentes. Tenter, envoyer chier, oser le mode déceptif. On saluera évidemment la démarche, cette envie de, limite, vouloir se saborder en abordant ce nouvel opus sous l’angle d’un musical névro-thérapeutique qui chercherait à fouiller, à explorer davantage le moi (la petite musique intérieure) d’Arthur Fleck, alias le Joker. En revanche on s’enthousiasmera moins, beaucoup moins, pour le résultat à l’écran, bancal, essoufflé, trop long.

Fleck est donc enfermé à l’asile d’Arkham depuis deux ans où, rachitique et sous cachetons, il n’est plus que l’ombre de lui-même. Le symbole de révolte qu’il a été, s’il continue à faire des émules et à trouver écho au-dehors, ne signifie plus rien pour lui. Et alors que son procès va débuter pour les meurtres de trois yuppies, de son collègue Randall et du présentateur télé Murray Franklin, sa rencontre avec une pensionnaire aussi perturbée que lui va venir chambouler sa vie et réveiller (peut-être) ses convictions de trublion populaire. Le programme du film sera donc de revenir sur les événements qui se sont déroulés dans Joker pour les décortiquer et les raconter à nouveau sous le prisme judiciaire, mais sans jamais les analyser en profondeur. Sans en faire une matière narrative en ébullition. Qui aurait des choses à dire, qui nous transporterait (on est constamment en attente de quelque chose, et sans même vraiment savoir quoi).

D’où ce sentiment de redite (même la musique d’Hildur Guðnadóttir paraît recyclée, appauvrie, et toujours aussi omniprésente). Ce sentiment d’un coup pour rien. Car rien, de la romance poussive entre Fleck et Harley Quinn au procès à la dramaturgie simpliste, et jusqu’à l’exploration superficielle de la personnalité de Fleck face à ce mouvement du chaos qu’il a, presque malgré lui, engendré, n’est abouti dans l’écriture. Écriture qui, et là c’est la double peine pour le spectateur, est entravée par ces intermèdes musicaux faiblards (Phillips ne sait visiblement pas comment les mettre en scène avec un minimum de panache) arrivant la plupart du temps comme des cheveux sur la soupe, et censés réinterpréter, sublimer le monde réel de Fleck et de Quinn, mais sans en dire plus que la réalité. Sans n’être qu’une sorte de gadget scénaristique qui se voudrait un doigt d’honneur (du genre «Je ne vous appartiens pas et je fais ce que je veux») et qui, à défaut de surprendre, finit rapidement par agacer, puis par gêner.

Le pire dans tout ça ? Joaquin Phoenix. Autant il nous subjuguait, littéralement nous hypnotisait dans Joker, autant ici il laisse indifférent parce qu’il n’a pas (plus) grand-chose de neuf à jouer, sinon à traîner la gueule émaciée d’un Fleck blasé de tout ou parader sous ce maquillage de clown qui en a fait un renégat de la poisse sociale. La magie, tristement, n’opère plus. Quant à Lady Gaga, oui, bon, OK, on passe… Et pour tout l’or du monde, tu donnerais des centaines, tu donnerais des milliers de Folie à deux juste pour revivre cet instant, cette émotion intense qui t’avais saisi quand tu avais découvert, pour la première fois, cette scène magnifique dans Joker et qui, à elle seule, avait été capable de réduire au silence une salle de cinéma bondée. Et qui, à elle seule, vaut des centaines, vaut des milliers de Folie à deux.

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mymp
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le 4 oct. 2024

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