Une œuvre qui conclue à merveille le récit d'un drame social absolument prenant. Dans la veine d'un Phantom of the paradise de Brian de Palma sorti en 1974 tant dans la narration que dan la qualité de réalisation.
Beaucoup de critiques le descendent bien injustement puisque l'histoire du joker est ici brillamment expliquée, l'univers DC y est certes en filigrane mais bien présent, sans trop. Celles et ceux qui attendaient des "actions justifiées" du Joker à tout faire péter, ou voir un nouveau batman surgir en mode "réaliste", je les comprends aussi.
Mais pour être franc, je trouve que Todd Phillips place la barre un peu plus haute que de verser dans le spectacle et l'ultra-violence d'un être, certes injustement torturé par la vie, mais dont l'injustice croissante qu'il vit finit par un peu trop titiller le justicier qui vit en nous et pour ça merci, merci de ne pas être tombé dans le truc malsain à la Uwe Boll qui donne envie de tout casser. Beaucoup se plaignent d'un Joker un peu "mou", pas assez "punk", comme abattu (le gars prend 7 pilules et il en redemande encore). Un Joker pas assez développé dans son cynisme et ça se comprend, beaucoup attendaient ça avec peut-être une vision un peu "fight clubesque" dans le fond, avec un récit d'avantage porté sur une auto-critique acerbe de notre société ?!
Côté combat/action non, côté auto-critique du monde, des médias, de nous, nous allons être servi puisque c'est l'axe central du film.
Donc à la place, il expose lentement mais avec brio ce qui fait la force et la fragilité humaine, névrose, psychose, le point de bascule dans la folie, maitrisée d'abord, incontrôlable ensuite, en dévoilant un destin hors du commun et que personne n'envierait. Il expose aussi le talon d’Achille d'une société, l'humanité, si elle est défaillante c'est toute la société qui part en poudre. Todd Phillips parle de l'humain en général et pas d'un anti-héro révolutionnaire anarchiste qui satisferait nos pulsions de justicier (ou anti-justicier comme vous voulez) et de ce point de vue le film est une pure réussite. A ce propos, la mise en perspective des répercussions de l'affaire, dans la société est très bien retranscrite ... Société qui créée ses propres jokers. Le tout est extrêmement bien maitrisé et le seul point négatif que je "pourrais" éventuellement cité, quelques passages musicaux en trop, ce qui est subjectif en même temps. Le sujet étant traité de manière vraiment très poétique !
La photographie est sublime, s'approche d'un fight club mais plus pastel, moins pétante. On y retrouvera le glauque sans le côté chatoyant, c'est toujours un peu gris, terne, morne, parfois un peu de soleil, c'est Gotham ; ça sent la crise, l'injustice, la corruption, la langue de bois des politiciens complaisants, les législatives de 2024, les gilets jaunes.
Les comédiens s'en donnent à cœur joie et m'ont emporté d'un bout à l'autre sans que je ne vois le temps passer (à part les 2 ou 3 passages musicaux pour moi de trop). S'être détourner de ce à quoi pouvait s'attendre la foule est très courageux, un pari pris dangereux, si en plus c'est pour nous livrer une œuvre d'une grande sensibilité, d'une grande cohérence, capable de changer un comics en poésie dramatique sur fond de thriller psychologique moi je signe direct : 9/10.
Shutter island à côté me semble faire figure d'apéritif ...
Pour moi, un chef d’œuvre du cinéma dramatique contemporain traité avec une finesse et une poésie, un réalisme que je trouve, rare. que pourrais-je bien lui reprocher ?
Ne pas avoir pensé la chose en trilogie.
1 on ne change rien
2 plus de viande pour les affamés (décence?)
3 Le final
Mais qui suis-je pour juger de ça ?
La pierre angulaire de la discorde se situerait (selon ce que je lis) : un Joker qui finalement, n'assume pas être Joker et échoue à être Joker ! Il échoue à être le Joker que l'on attendait, que notre côté "voyeur" attendait. (Laissant en effet présager quelques films bien pêchus mais bon ...)
Il craquera à la place, en avouant même avoir tué sa mère (alors qu'elle ne l'est pas, qu'elle l'a maltraité) et c'est la prise de conscience des évènements antérieurs le menant vers une grave décompensation qui le fait redescendre sur terre, et donc, vers la chute (trop rapide?) du vrai Joker.
En réalité, le mec guérit psychologiquement, et beaucoup sont déçus ... Comme Harley Quinn.
Le traitement exercé achève la série, un 3ème film serait assez mal venu, il devrait alors reconstruire un nouveau joker, éclipsant les 2 premiers films, autant dire une hérésie moribonde.
Je crois que j'ai fait le tour.
Ici : Analyse de Joker : une tentative de diagnostic pour une icône du cinéma
A plus dans les commentaires.