La suite tant attendue du Joker, portée par Joaquin Phoenix et Lady Gaga, déçoit par son ambition démesurée et son manque de cohérence. Là où le premier volet frappait par sa noirceur oppressante et sa profondeur psychologique, Folie à deux s'égare dans des envolées musicales aussi malvenues que désastreuses. L'alternance entre scènes dramatiques et numéros musicaux, maladroitement exécutés, crée une rupture brutale avec l'atmosphère établie. Chaque chanson, souvent des reprises de standards éculés, arrête net l’intrigue sans parvenir à insuffler la moindre émotion véritable.
Lady Gaga, censée incarner une version revisitée de Harley Quinn, se trouve tristement reléguée à un rôle insignifiant, incapable de faire vibrer l'écran. Sa voix, pourtant célèbre, est bridée dans des performances dépourvues de la flamboyance qu’on lui connaît, tandis que sa relation avec le Joker manque cruellement d'authenticité et d'intensité. À aucun moment, leur folie supposée n’explose à l’écran, laissant le spectateur indifférent devant une romance qui semble vide de sens, et de surcroît mal définie.
Dans ce chaos narratif, Joaquin Phoenix, fidèle à lui-même, livre une performance impeccable, capturant chaque nuance de l’esprit torturé d’Arthur Fleck. Pourtant, même sa présence magnétique ne parvient pas à sauver le film, car il semble tragiquement seul dans cet océan de confusion. Les rares moments de grâce résident dans des plans sublimes, où la caméra saisit la déliquescence de Gotham avec une beauté crue. Les jeux de lumière, eux, explosent parfois de splendeur, offrant quelques instants visuels de répit dans une œuvre qui s'épuise par ailleurs à maintenir sa cohérence.
Un autre point faible du film réside dans la révolte sociale, qui apparaît étrangement absente de l’intrigue, alors qu’elle était centrale dans le premier opus. L’absence d’une montée en puissance progressive ou de véritable tension sociale réduit cette dimension à un simple bruit de fond. Là où le Joker originel tissait habilement un fil rouge de colère populaire, Folie à deux semble l’abandonner, ne parvenant jamais à donner un poids dramatique réel à cette révolte latente.
Le film, tout en se revendiquant subversif, flirte avec des thèmes d’anarchie et de révolte sociale déjà vus, mais peine à renouveler la symbolique du personnage principal. L’évolution du Joker, plongé dans son ego trip chaotique, est aussi désordonnée que son univers. Ce qui aurait pu être une exploration fascinante de la dualité entre Arthur Fleck et son alter ego anarchiste se transforme en une errance narrative, où la lenteur accable plus qu’elle ne fascine, entre film en chanson et film judiciaire sans fond.
Conclusion : Joker : Folie à deux est l’exemple même d’une œuvre qui s’étouffe sous le poids de ses ambitions. Ni musical réussi, ni véritable réflexion sur la folie, il s’enlise dans une confusion esthétique et narrative. Une suite dont la folie n’a d’égale que sa vacuité, et qui, au lieu de surprendre, exaspère.