Les fêtes de fin d’années arrivent, et avec elles leurs traditionnels catalogues Maxi-Toys garnis d’Action-Man, de Playmobil et autres Lego pour les bouts de chou. Il en va de même pour la fabrique à cauchemars du père Band, charriant chaque année une nouvelle gamme de poupées tueuses. Après avoir mis sur pied une franchise extrêmement lucrative (Puppet Master), le producteur avait bien compris que le concept finirait fatalement par ennuyer le public à mesure de ses suites. Alors que le troisième opus venait tout juste de sortir et qu’un quatrième était déjà mis en chantier, Charles Band a donc décidé d’investir dans une nouvelle collection de jouets complètement déglingués pour attirer le chaland.
Il s’est également rendu compte qu’il n’avait pas nécessairement besoin d’animer ses créations en stop-motion, cette technique d’animation image par image contraignante et onéreuse, devenue obsolète avec l’arrivée des images de synthèse d’ILM. La santé déclinante de l’animateur David Allen accélérera la transition du studio. Avec le savoir faire adéquat et le talent de ses marionnettistes, cela lui offrait des possibilités et des variations déclinables à l’infini. Ainsi suivrons Blood Dolls, Doll Graveyard, Ragdoll, Gingerdead Man, Ooga Booga, etc. Demonic Toys aura même le droit à sa propre saga , à des spin-off (Oopsie Daisy, Demonic Toys Jack Attack) et cross over (Dollman vs Demonic Toys, Puppet Master vs Demonic Toys).
Après une opération d’infiltration ratée tuant son partenaire (et amant), Judith Gray se retrouve coincée dans un dépôt à la poursuite des bandits qu’elle était censée arrêter. Évidemment, l’un des criminels abattus choisira le pire endroit où verser son sang : à l’emplacement même où fut enterré il y a exactement 66 ans, un terrible démon de Cornouailles qui n’attendait que de reprendre vie et de posséder l’enfant à naître de la policière pour conquérir le monde. Écrit par David S. Goyer (The Dark Knight, Man of Steel) Demonic Toys ne fait aucune surprise quant à ses intentions. Celles de nous offrir une lutte à couteaux tirés entre un groupe de survivants constitué d’une flic topless (Tracy Scoggins), d’un gardien gras du bide et vicieux (Pete Schrum) d’un livreur Uber Eats paresseux (Bentley Mitchum le petit-fils de Robert Mitchum), ainsi que d’une fugueuse sans abri (Ellen Dunning) et une armée de jouets possédés, au sein d’un sinistre décor d’entrepôt reconstitué en studio.
L’environnement d’une pauvreté indigente n’affiche que des dédales de cartons à n’en plus finir, d’où surgissent des robots tueurs, ours en peluche carnassiers et diables en ressort malveillant, ne songeant qu’à profaner les cadavres de leurs victimes pour s’adonner à une cérémonie sataniste. Autant Puppet Master se démarquait largement de Child’s Play pour son intrigue, son cadre et son atmosphère d’épouvante héritée du Shining de Stanley Kubrick, autant Demonic Toys effectue la parfaite filiation avec Chucky et son poupon machiavélique aux répliques délicieusement perverses. Question originalité on repassera sur ce scénario prétexte à une mécanique de prédation aussi ludique que sanguinolente.
Néanmoins, si la magie en vient à opérer, c’est bien grâce à la mise en scène de Peter Manoogian. Le metteur en scène prend le temps de ménager son suspens et de distiller une atmosphère oppressante à grand renfort de plans en steadicam, d’angles inclinés et de ralentis stylisés. Le tout est meublé par la partition mélodique de Richard Band dont les consonances suggèrent une sorte de comptine sinistre pour enfant. Cette partition permet d’entretenir l’ambiance mortifère du film, mâtiné d’occultisme de de mystères cabalistiques. Quelques belles compositions émaillent également cette production, notamment cette scénographie onirique où les rocking-chairs et pendules s’animent comme par enchantement. John Carl Buchler avait l’air assez fier de ses créations, invoquant les terreurs infantiles.
Le concepteur des maquillages, trucages et effets spéciaux n’hésitait pas à livrer ses secrets dans le videozone de l’époque (marionnettes à main et à tige, jouet en plastique radiocommandés), précisant qu’aucun animal n’avait été tué dans le cadre de la confection de son costume d’ours géant à base de mousse sur une combinaison en spandex, recouverte de fausse fourrure. Pourtant, l’une des séquences les plus mémorables du film restera sans nul doute son dénouement fantasmagorique, lorsque le petit soldat animé en stop-motion viendra sauver la policière des griffes du démon à cornes. Preuve une fois n’est pas coutume, que Charles Band et ses poupées ne seraient rien sans l’aide de ses plus fidèles artisans. Alors si vous en avez marre des gammes de jouets en toc politiquement corrects d’Hasbro et Mattel, vous pourriez-bien vous tournez vers les Demonic Toys de Charles Band. Selon la légende, le producteur organise de véritable messes noires pour enchanter ses répliques à l’échelle 1:1 et envahir le monde de ses fétiches préférés.
Le sage pointe la lune, l’idiot regarde le doigt. Alors s’il te faut un guide pour parcourir l’univers étendu de la Full Moon Features, L’Écran Barge te fera découvrir le moins pire et le meilleur de l'oncle Charles Band, le Walt Disney de la série bis !