Comme Roger Corman et sa New World Pictures, ou bien encore Lloyd Kaufmann et la Troma, Charles Band correspond à un type bien précis de producteurs. À la fois artisans et économes, ils proposent des films parfaitement modelés pour plaire à un genre de public ciblé. Comme ses prédécesseurs, la Full Moon Productions est devenue un gage de qualité dans l’univers de la production d’exploitation low cost.
Sur un postulat qui n’en demande pas trop, « Demonic Toys » se contente de réutiliser la recette des jouets possédés qui tuent des gens. Avec ses trois protagonistes, le casting se montre assez peu généreux : un cliché de policière supposée hard boiled, un cliché de fugueuse adolescente (sorte de Newt [celle d’Aliens] 90's avec des dreads, qui vit dans les conduits d’aération de l’usine) et un livreur de sandwich au poulet.
Sans réels enjeux et avec des personnages trop clichés pour s’y attacher (vous attacheriez-vous à un cliché dans une publicité ? Ben là, c’est un peu pareil), qu’ils s’en sortent ou pas ne compose pas une véritable inquiétude. Il manque à cette production une envie de bien faire, tellement tout apparaît entrepris à moitié. Il y a même parfois cette impression d’un théâtre expérimental (principalement dû au jeu alternatif des acteurs) fait par des lycéens sous guronzan.
Si tourner les scènes en une seule prise et dans un décor unique semble une marque de fabrique, habituellement l’illusion fonctionne un tantinet. Prenant certainement place dans les sous-sols de la Full Moon, entre les archives, les décors s’avèrent très pauvres, même pour un huis-clos. Ils apparaissent d’ailleurs par moment hors propos, tellement ils ne correspondent pas au lieu où l’action se déroule.
En somme, rien ne paraît travaillé et malgré toute l’incrédulité consentie du monde tout est raté, même la cascade la plus simple, comme une voiture qui entre accidentellement dans des cartons, n’apparaît pas crédible. De plus, niveau horreur, l’intérêt principal de ce genre de production, il faut se montrer patient entre deux ou trois effets gores jetés ici et là.
Pourtant il y avait de quoi réussir un truc, quelques jouets restent funs et aussi convaincant que dans les Puppet Master. À l’instar de Oopsie-Daisy un poupon sadique qui fait vraiment flipper… Ainsi qu’un clown, qui remplit parfaitement son rôle de clown, démoniaque qui plus est. D’ailleurs, lors de l’édition VHS du métrage en 1992, les États-Unis se remettent tout juste d’un étrange phénomène de mode apparu dans les 1980 : la Satanic Panic.
Contemporaine d’une radicalisation chrétienne de la société, la Satanic Panic résulte d’une paranoïa infondée, engendrée par des personnes mal informées sous influence d’un retour au spirituel chrétien, et donc des conceptions du divin et du devil. Cela se produit au moment où l’occultisme et le satanisme entrent dans la culture populaire, principalement par la musique et l’avènement du Black Metal à la charnière des 80’s et des 90’s. En 1992, peu de temps avant que Marylin Manson se fasse connaître par échos à la paranoïa satanique, la séquence finale de « Demonic Toys », avec pentagramme, culte et démon à corne, illustrait ainsi l’un des signes de son temps !
Cela se perçoit aussi dans un final étrangement sombre, qui en quelques secondes se révèle fort d’un message politique à l’anticapitalisme pyrotechnique, inexistant jusque là, contre l’exploitation, la production de masse et la consommation. Puis dans les dernières secondes s’invite une réflexion sur le deuil, la perte, la disparition… Puis, pas le temps de comprendre ce qu’il se passe que le générique se lance. Cette fin cryptique, qui n’est pas sans rappeler celle de « Carnosaur » à la même époque, avec un final totalement en décalage avec l’ensemble d’un film majoritairement médiocre. D’ailleurs, Karim Debbache en parle très bien ici :
https://www.youtube.com/watch?v=QgwWTVIgpsA
Plus proche de la telenovelas amateur que du film d’horreur convaincant, « Demonic Toys » échoue sur des éléments pourtant rudimentaires, tels que construire un univers clair et cohérent. S’il laisse quelques surprises, comme des personnages/clichés relativement atypiques (pour ce genre de production, car ils correspondent à des conventions), il est difficile de dire qui va mourir et qui va survivre, puisque de toute façon ils prennent tout très cher pour leur grade.
Il est également à noter, rapidement, que le film marque les débuts d’un scénariste au CV [aujourd’hui] impressionnant. En effet, Charles Band est le premier à avoir donné sa chance à David S. Goyer qui signe le scénario. Pour information, David S. Goyer a collaboré [entre autres] à la trilogie du Dark Knight de Christopher Nolan. Il s’est également essayé à la réalisation, sans grand succès, mais il demeure une valeur sûre d’Hollywood. Comme on dit, il faut bien commencer quelque part, même à la Full Moon.
Pour terminer, « Demonic Toys » ça a le charme des productions de troisième partie de soirée des samedis soir, où s’invite désormais la mélancolie d’une époque où ils étaient signes de sortie et de fête et de fête et de sortie ! Alors à défaut d’une dernière pinte, il vous restera la joie d’un petit film raté, con, mal joué, mais un peu fun dans le fond. C’est soit ça, soit Chasse & Pêche…
-Stork._