Sur une toile de fond des travers de la société pakistanaise, la chronique sociale de Saim Sadiq avec Joyland n'apparaît pourtant jamais comme amère, même dans ses moments les plus dramatiques voire tragiques. Certes les séquences ne manquent pas d'exposer un certain mal-être grandissant par la définition du statut social et éthique délimitant la liberté d'actions et la place que doivent occuper les personnages dans la société, mais Sadiq décide de prendre le contre-pied de l'adversité afin que Joyland soit porteur d'un vrai message de tendresse, de complicité et véhiculer - sans moralité factice - des valeurs aussi essentielles que le respect et la tolérance.
C'est dans cet ancrage positif et libertaire salvateur au plus proche de la réalité sociale du Pakistan que le film accompagne des âmes tourmentées au travers d'un quotidien qui ne leur convient plus et où le refus de ce dernier semble être la clé de voûte de l'échappatoire provisoire de la souffrance existentielle qu'il procure. Joyland s'avère donc être aussi bien le portrait d'un espace-temps que de personnages profondément perdus qui s'entrecroisent, leur appartenance mutuelle ouvre sur une quasi-dimension de film choral où le spectateur apprend à connaître de manière égalitaire les souffrances invisibles de chacun. Cela aurait pu être un problème, car le film aurait pu céder facilement à l'impasse d'une ambiance générale mélancolique très stylisée et poussive, mais ce n'est absolument pas le cas ; la position est humble et dérisoire, la réalisation est simple mais contient un travail de l'image absolument magnifique avec une bande-son envoûtante rappelant les plus belles compositions de Cliff Martinez.
Que ce soit au travers de la danse, du contact de l'autre… il s'agira toujours de provoquer une victoire de la liberté et du désir face à l'emprisonnement de la morale et du regard des autres rongeant lentement et silencieusement. Par ce travail d'analogie poétique, le propos du film en est d'autant plus dénonciateur : des règles de la demeure familiale aux règles de la société pakistanaise le combat reste le même, derrière les visages faussement aimables et aimants tout n'apparaît finalement que comme une incontrôlable destruction à rebours dont il est parfois impossible de s'en sortir. Mais qu'importe les cicatrices laissées, tant que cette volonté de laisser parler la liberté et le désir subsiste, la vie se mettra toujours de ce côté.