"Judex" est exemplaire de sobriété, de dépouillement, et rétrospectivement le film de Franju apparait comme l'anti-thriller. Mais qu'on ne s'y trompe pas, la simplicité et la naïveté apparentes du film sont la formule d'un brillant exercice de style.
A la façon de Louis Feuillade, auteur d'un film homonyme de 1916 à qui il rend hommage, Franju met en scène une intrigue policière aux confins du cinéma fantastique. En dépit de leur caractère rocambolesque, les nombreux rebondissements et péripéties du récit n'enlèvent rien à la vraisemblance de l'action et de la mise en scène. L'approche du cinéaste ne procède ni de la parodie ni de l'esbroufe; Franju ressuscite les personnages et l'esprit du genre littéraire feuilletonnesque d'une certaine époque dont Judex, justicier occulte, est l'émanation.
Volontiers taciturne, le film préserve son mystère en bannissant les dialogues inutiles, les effets spectaculaires ou les explications de texte. Le scénario, où Judex condamne un banquier véreux à se dépouiller de la moitié de sa fortune sous peine de mort, s'enrichit de scènes d'un formalisme séduisant autant qu'étrange. (pour exemple: la silhouette animale de l'ennemie de Judex lorsqu'elle revêt sa moulante combinaison noire).
Mais le talent essentiel du film est encore de réveiller la candeur enfouie, le goût de l'énigme qui sommeillent en nous.