Un an après "La Ballade de Cable Hogue", un type crée une ville quasiment à lui tout seul dans l'Ouest sauvage, à nouveau. Un roman adapté par John Milius et qui expose les origines plus ou moins légendaires du monde moderne, où la loi et l'ordre sont instituées par un brigand lunatique - puis retirées de ses mains par le premier avocat de l'histoire (du patelin).
Milius affectionne les personnages mus par une vitalité primitive, et ce film montre le monde qui continue sans eux. (l'intrigue de Conan s'arrêtera avant cette triste débâcle). Comment dire? Les femmes prennent le pouvoir (argh!). Le héros est une sorte de patriarche relax, un sympathique Duce qui instaure une justice expéditive mais rigolarde dans le trou du cul du monde, à l'aide de sa milice/police qui se paie sur les cadavres des criminels (sans songer à restituer leur butin aux victimes). John Milius n'est pas un grand démocrate.
Au tournant des années 70, les anti-héros se prennent rarement au sérieux (Dirty Harry et ses one-liners, servira de modèle pour les hard boiled des années 80 jusqu'à aujourd'hui), et la satire de l'American Way of Life va bon train à Hollywood, qui surfe sur la vague contestataire. Huston le franc tireur a toujours réussi à manoeuvrer dans le système, avec plus d'adresse que les autodestructeurs Nicholas Ray et Sam Peckinpah. Son film est une comédie douce-amère comme on n'en fait plus, et c'est tout son charme.
Les meilleures comédies dressent le portrait de la société contemporaine (une formule que Coline Serreau va appliquer studieusement et avec échec). Ici, on dénonce l'hypocrisie des « civilisés », mais on reste quand même entre wasps – le film se moque cependant de la fascination de son héros pouilleux pour la belle actrice de la ville (à une époque où les actrices n'étaient plus obligatoirement des prostituées, semble-t-il), aux dépens de la magnifique mexicaine qui en pince pour lui.
Dans un flamboyant baroud d'honneur, les représentants du vieux monde vont donner une leçon aux premiers magnats du pétrole et aux flics à leur botte, évoquant les violentes luttes sociales de l'époque (les séides des grands groupes massacraient dans l'impunité les manifestants et les grévistes).
Mais la flamme primordiale est vouée à s'éteindre. Roy Bean sait depuis longtemps que les fondateurs disparaîtront de la mémoire des hommes. En fait, tout disparaît, civilisations comprises. Pour laisser la place à d'autres mondes, peut-être.
« Mind the cactus. »