Mis en place pour juger les criminels de guerre nazis dès 1945, le procès de Nuremberg s'attarda aussi sur certains hauts fonctionnaires du régime nazi. Stanley Kramer s'intéresse plus particulièrement à quatre d'entre eux, dont trois plaident coupable.
La force du film réside avant tout dans son propos et les multiples réflexions que l'on peut y trouver. Stanley Kramer évite tout manichéisme et aborde d'abord la responsabilité du peuple allemand et l'attitude du "On ne savait pas" qui parait bien évidemment peu convaincante. Mais il ne s'arrête pas là et il renvoie tout simplement à l'humain et sa nature, sa réaction face aux dangers, la banalisation du mal et les risques qu'ils encourent en disant non à Hitler malgré les lois horribles (stérilisation, ségrégation raciale...) que les juges devaient appliquer. À travers ce procès qui aborde aussi de manières terribles le chapitre de la solution finale, il ne dicte pas une pensée aux spectateurs mais offre plusieurs pistes, plusieurs réflexions et les laisse juge de ce qu'ils voient à l'écran et comment, de simples citoyens, ont pu participer à cette horreur.
Mais là où "Jugement à Nuremberg" est aussi très intéressant, c'est dans la façon dont il n'épargne pas les autres grandes puissances, n'hésitant pas à citer Churchill qui, en 1938, disait tout le bien qu'il pensait d'Hitler (on savait pourtant depuis le milieu des années 1920 et "Mein Kampf" l'idéologie nazie et encore plus depuis son application en 1933), le pacte entre l'URSS et l'Allemagne qui permit à ces derniers de faire tranquillement la guerre à l'ouest de l'Europe ou encore l'industrie américaine qui aida l'Allemagne à se reconstruire militairement. Kramer montre bien les défaillances des grandes puissances mondiales dans les années 1930 qui, souvent par intérêt personnel, n'ont pas empêché cette guerre, bien au contraire même, laissant Hitler annexer tranquillement divers pays et régions tout en se construisant une armée puissante.
Bénéficiant d'une excellente qualité d'écriture, Stanley Kramer dresse le portrait de personnages consistants, parfois ambigus où, entre un avocat tentant de défendre ce qui semble indéfendable, des accusés plus ou moins conscients de ce qu'ils ont fait ou encore des victimes, ils sont vite rendus intéressants, qu'importe leur temps d'apparition à l'écran. Kramer arrive à donner de l'importance à tous et use d'un montage ingénieux, passant d'un personnage à un autre et du procès à la vie privée de certains et notamment du juge. Kramer orchestre son récit avec brio, donnant de l'intensité et de la puissance à son récit et sachant être habile et intelligent avec ses thèmes compliqués à exploiter, sans tomber dans la surenchère ou dans le pathos. La richesse de l'oeuvre, sa densité et son exploitation font que les trois heures sont justifiées et ne se font jamais ressentir.
On baigne tout le long dans une atmosphère où on ressent l'horreur de la nature humaine et des actes atroces commis durant cette période, retranscrit par des scènes marquantes, que ce soit les dialogues percutants et parfois glaçants qu'entretiennent les protagonistes ou les images des camps de la mort utilisées durant le procès. La réussite du film tient aussi dans ses interprétations, où les stars savent se faire oublier au profits de leurs personnages, et plus particulièrement Maximillian Schell, Marlene Dietrich, Montgomery Clift et Burt Lancaster (enfin, ils sont tous remarquables). Et finalement l'oeuvre renvoie aussi à sa date de sortie (1961), alors que la guerre froide battait son plein et que, uniquement 15 ans après les procès, la plupart des condamnées ont été libéré...
Une leçon de cinéma qui sert une leçon d'histoire et des réflexions sur l'humain, sa nature, sa cruauté, sa lâcheté et, pour reprendre les termes d'une journaliste lors d'un autre procès d'un criminel nazi, la banalisation du mal.