François Truffaut est un des meilleurs cinéastes que le cinéma français du 20ème siècle ait eu, et une des plus grandes personnalités. On en avait déjà un aperçu avec son "400 coups", mais c'est avec Jules et Jim qu'on voit toute l'étendue de son audace et de sa richesse langagière. Pour moi, la principale caractéristique de ce film, c'est son ton très littéraire. Les dialogues sont extrêmement écrits et précieux. Un atout ou un défaut ? Cela dépend. Énoncés par cette voix-off qui n'est pas expressive du tout, ils sont poétiques; dans la bouche de Jeanne Moreau ça touche au divin. Mais pour Jules et Jim, ça colle pas. Ni aux interprétations du duo, ni aux personnages eux-mêmes. Venons-en aux personnages, parce que ce sont eux qui doivent porter le film. Bien sûr, la fameuse Catherine. Jean Renoir enviait beaucoup Truffaut d'avoir réussi à "choper" son rire dans une séquence inoubliable où il fait un arrêt sur l'image avec son rire cristallin. Jeanne Moreau est magsitrale, à la fois surréaliste et crédible; On ne se dit pas que c'est exagéré, on se dit: c'est Catherine. Un personnage littéraire qui s'immisce dans le monde plus "logique" du cinéma. Les dialogues deviennent culte dans sa bouche: Voilà, tu es mon Jim, je suis ta Catherine. Tu avais tes affaires, moi aussi j'avais mes affaires. Tu as dis adieu à tes amours, moi aussi j'ai dis adieu à mes amours... Quel dommage alors que le duo principal fasse pâle figure face à elle ! Jules et Jim ne sont pas aussi attachants qu'ils devraient l'être, et du coup ils paraissent plus artificiels qu'autre chose. Ils ne sont pas de trop non plus, simplement ils sont trop théâtralisés pour susciter de l'empathie, les deux acteurs ne parvenant pas à transposer leur personnage littéraire à l'écran. L'histoire en elle-même est très belle également. La partie sur la guerre, où les deux amis ont peur de tirer l'un sur l'autre, m'a particulièrement émeu. Ballot que Truffaut n'aille pas assez loin dans le triangle amoureux. Je sais, c'est très facile de dire ça, pour l'époque c'était une méga-bombe... Je trouve la balance déséquilibrée: Jim parait plus aimé que Jules, d'ailleurs il a droit à plus de scènes amoureuses que lui ! Avec une meilleure alternance, j'aurais mieux senti le tour de passe-passe qu'ils ont joués. La chanson "le tourbillon de la vie" est magnifique, tout comme le reste de la musique du film d'ailleurs, et la mise en scène (forcément très littéraire aussi) est élégante.
On voit ce film comme on lit un livre, en somme. Mission atteinte, on peut dire.