L'un des plus marquants représentants de la Nouvelle Vague est peut-être bien ce Jules et Jim dans lequel François Truffaut y développe plus que jamais un style ultra visuel, riche en expérimentations audacieuses, qu'il articule à sa grande ambition littéraire.
Jules et Jim est magnifiquement écrit, mené tambour battant, comme le tourbillon de l'amour passionné et multiple qu'il raconte. Il emporte son spectateur dans sa ronde, le bouleverse, le taquine, joue avec lui comme avec sa pellicule. C'est souvent déchirant, notamment lorsque le tempo s'apaise et que la magnifique musique de Georges Delerue s'empare des plans soignés et des textes envoûtés.
Le film est évidemment culte, notamment grâce à ses plans iconiques, sublimes, qui près de soixante ans plus tard demeurent impressionnants de maîtrise et d'intelligence, auxquelles se mêle pour notre plus grand bonheur un vrai humour enfantin.
Jules et Jim se savoure comme un jeu, celui de grands enfants confrontés à l'amour. Derrière ce titre trompeur, c'est évidemment bien plus qu'une histoire d'amitié que Truffaut raconte (portée par deux comédiens bien trop peu connus, Oskar Werner et Henri Serre, comme aux antipodes physiques), mais à travers elle, c'est celle d'un amour impossible, de cette folie socialement acceptée, qui entraîne dans sa spirale de sentiment quiconque s'en approche.
Un titre trompeur qui met volontairement en silence la pourtant centrale Catherine, qui fera tourner plus d'une tête, incarnée par l'élégante Jeanne Moreau, dans l'un de ses plus beaux rôles.
On pourra regretter une histoire qui s'enlise dans sa folie et pousse un peu trop loin la tragédie en silence qu'elle couvait, mais on se laissera emporter par cette rage communicative de vivre, la grande beauté de l'écriture, la belle gestion du rythme, tout aussi véloce que laissant l'instant suivant d'amples pauses, l'amusement communicatif des comédiens et aussi et surtout celui de son cinéaste dont on ressent à travers ses images la gourmandise et l'euphorie.
Vibrant, émouvant, amusant, Jules et Jim est au-delà de son statut un vrai plaisir de cinéphile.