Après un détour par le thriller et la comédie, Julieta permet à Pedro Almodóvar de retrouver son genre de prédilection, le mélodrame, et de renouer avec les grands portraits féminins. Construit sur un immense flashback, le long-métrage retrace le parcours du personnage principal pour devenir la femme dévastée qu'elle est en début de film.
Le réalisateur s'affranchit de tout pathos pour raconter la vie de Julieta, comme il avait déjà pu le faire dans Volver. Au lieu de faire immédiatement éclater l'orage, Almodóvar prend le temps de montrer les nuages s'approcher, de plus en plus nombreux, jusqu'au premier coup de tonnerre. Cet assombrissement progressif permet aux personnages de se poser, d'exister avant et après les malheurs, ainsi que de manipuler avec douceur l'émotion du public. Sans forcément susciter une grande empathie pour son héroïne, le cinéaste parvient à faire comprendre ce qu'est l'absence, le vide. Il place le spectateur dans un état d'esprit étrange, comme un deuil qui serre le cœur mais qui ne génère pas une grande tristesse.
Et à côté de cela, Almodóvar, fidèle à lui même, place son film dans son univers décalé, fantaisiste. Le réalisateur a bien compris qu'un monde triste n'est pas un monde statique, terne, où il pleut tout le temps, et se permet donc quelques éclats, comme la couleur toujours aussi présente, la scène du train à la limite du surnaturel ou tout simplement le changement d'actrice, qui fait sens tout en finesse. Bien entendu, Almodóvar garde les pieds sur terre et fait en sorte que son long-métrage soit uniforme. L'ambiance est maintenue tout le long, jusqu'à une conclusion tout en pudeur.
L'espagnol réitère une fois de plus l'exploit de parler de thèmes graves dans un drame qui n'est jamais pesant. Sa façon de disserter sur l'absence reste fine et juste de bout en bout, à l'image de la musique, qui oscille vaillamment entre le tragique et le mélancolique tout en se faisant très discrète.