Sous l'égide de Sirk et Hitchcock, Almodóvar - le désormais mal aimé (la majorité des Espagnols, de droite comme de gauche, le haïssent, et sa popularité hors Espagne a sérieusement chuté depuis quelques années) - est entré dans l'ère du ressassement. "Julieta" ne nous offre rien de nouveau : du mélodrame à mèche lente (on s'en fout un peu et puis d'un coup, nous voilà bouleversés), un scénario trop riche (assemblage de plusieurs nouvelles, et ça se sent), une virtuosité technique de vieux maître, de beaux portraits de femmes, des actrices en état de grâce. Du pur Almodóvar, quoi. Avec quand même de moins en moins de couleurs, de fantaisie, et de plus en plus de tristesse glaçante. On ne connaît pas ceux qu'on aime, nous dit "Julieta", et nos pires erreurs sont inconscientes, involontaires : elles ne nous en paraissent pas moins impardonnables. Sinon, Madrid, l'Andalousie, la Galicie sont superbes et nous font battre le coeur, mais c'est la touche d'onirisme hollywoodien (très 50's donc) - le train dans la nuit, la mer cruelle - qui finissent par emporter notre adhésion. Oui, Almodóvar ressasse, et nous sommes de moins en moins nombreux à aimer ça, mais c'est désormais avec une douceur sans pareille. [Critique écrite en 2016]