Vivement que l'Univers explose
Star Wars, Les Gardiens de la galaxie et les nouveaux Star Trek de J.J. Abrams, avaient pu nous faire penser qu'avec le budget adéquat, il est facile de tourner un bon petit blockbuster intergalactique. "Jupiter" et les Wachowski sont là pour nous rappeler que non, on peut sans problème faire un space opera très cher, mais très casse-couilles.
Depuis les origines, avant la transformation des frères Wachowski en "Wachowski" tout court, faute de gentilé permettant de désigner rapidement un frère et sa soeur, j'ai un problème avec eux. Comme réalisateurs, leurs films (Matrix compris) m'ont toujours semblé au mieux tout juste bons, au pire sans intérêt. Bref, indifférence quasi-totale. Par ailleurs, comme scénaristes, ils tiennent bien mieux la route, avec par exemple V pour Vendetta: on y sent leur influence, mais pas la débauche visuelle qui les caractérise. Certes, je le sais, ils sont pionniers en la matière, mais ça ne les autorise pas à faire n'importe quoi avec. Les images de synthèse, c'est un joujou fragile, et à force ils vont le casser, et après Michael Bay ne pourra plus tourner Transformers 5 et ça sera pas chouette. Non mais.
Revenons à nos moutons. Contrairement au reste de l'épopée wachowskienne, "Jupiter" ne fait pas que briller par sa fadeur: cette fois, c'est de la vraie merde. J'ai mis 4/10, mais compte tenu des possibilités du projet, ça vaut moins. On a droit à un gâchis de première classe. Les défauts du film sont visibles, mais surtout innombrables, et vu le nombre de critiques assassines déjà postées, je vais me concentrer sur ce qui montre que là, Lana et Andy ont creusé leur filon trop loin.
SPOILERS à partir d'ici, âmes sensibles s'abstenir.
Beaucoup de critiques on désigné le scénario comme première faiblesse du film. On aurait aimé trouver une excuse aussi facile, mais malheureusement, je ne pense pas que ça vienne de là. Une jolie fille découvre subitement, entre deux récurages de cuvette, qu'elle est une reine de l'espace, puis conquiert son titre en contemplant son prince viril taper sur les méchants, tout ça pour se rendre compte qu'on est bien que chez soi (Seigneur, que je déteste ce genre de fin): c'est vrai, ça sent le réchauffé. Mais au moins est-on sûr qu'il s'agit bien d'un blockbuster dans les règles de l'art, et pas de la prise de tête rétinicide (je viens d'inventer le mot) qu'était Cloud Atlas**. Ceci étant dit, le but du blockbuster est d'être, dans le pire des cas, distrayant. Et là, pour des raisons mystérieuses, on s'ennuie pendant deux heures. Il y a une bataille toutes les cinq minutes, l'argent sue de l'écran tellement il y a d'images de synthèse, et pourtant, mon Dieu, qu'est-ce que c'est chiant!
D'où vient cette vertu soporifique? Principalement de l'absence quasi-totale d'enjeu tangible. Finalement, Jupiter (oui, c'est le hum...prénom de l'héroïne) n'a pas grand chose à sauver à part une famille que l'on s'emploie pourtant à nous faire détester (pendant trop longtemps d'ailleurs: on veut voir des rayons laser, pas un documentaire sur l'immigration russe à Chicago). Bref, nous sommes loin, très loin du Destin de l'Univers que le titre Français nous promettait. Parlons-en, tiens, ce cet univers! Il est foisonnant de nouveautés, visuellement accrocheur, mais laisse une impression d'inachevé. Tout se passe trop vite, et on se retrouve à la fin du film avec plus de questions qu'autre chose. Pour nous répéter en long, en large et en travers que les méchants sont vraiment très méchants, que la reine Jupiter est vraiment très reine (pensez donc: les abeilles lui tournent autour, ça ne trompe pas), et éventuellement que la société de consommation est vraiment très pourrie, il y a du monde. Mais pour expliquer ce que c'est l'Egide, les Abrasax ou la Légion, il y a trois répliques, pas plus. Ce que j'essaie de montrer, c'est que rien n'est assez détaillé pour retenir l'attention du téléspectateur, ni l'histoire, ni l'enjeu, ni les personnages, ni le monde. Les Wachowski sont tombés comme jamais dans le travers qui leur est propre: agresser l'oeil, en oubliant que pour que ça soit bon, il faut raccorder au cerveau. En l'occurence, le cerveau s'en fout tellement que ma scène favorite, c'est le générique avec de jolies images de l'espace.
Dernier mais pas moindre point de ma critique: "Jupiter" est un travail bâclé. La faute aux Wachowski? Sans doute un peu, mais cette fois ci toute l'équipe a donné un coup de main. La réalisation est appréciable, mais impossible à apprécier compte tenu des avaries susdécrites: trop rapide, trop fade, trop déjà-vu. La direction artistique est pleine de bonne volonté, mais faire croise qu'on filme une planète extraterrestre alors qu'il y a une Renault Twizzy au milieu de la route, c'est quand même un peu facile. Le film a été coupé à l'excès, au point que malgré l'ennui profond que dégagent ces 127 minutes, on se dit que quelques scènes supplémentaires auraient évité à un certain nombre de bonshommes et évènements d'arriver comme un cheveu sur la soupe. La scène où le père de Jupiter qui, voulant ABSOLUMENT récupérer son télescope (moui... mais encore?), se fait tirer dans les testicules une balle magique qui non seulement le tue sur le coup, mais de plus se retrouve dans sa poitrine au plan suivant, montre que le montage a été fait avec une moissonneuse-batteuse.
Résumons-nous: dans le sens où il y a des images qui bougent, c'est du cinéma. Mais puisqu'il n'y a QUE des images qui bougent sans rien derrière, c'est loin d'être un film digne de ce nom. J'ai vu une critique disant que "Jupiter " était volontairement une oeuvre ratée, visant à montrer les travers du cinéma hollywoodien des années 2000. Soit. Premièrement, je pense plutôt que c'était nul pour de vrai, et deuxièmement, la prochaine fois, j'aimerais bien que ledit film sciemment pourri ne coûte pas 170 millions de dollars.
**Par ailleurs je n'ai rien contre ce film. On me dit souvent que soit on adore, soit on déteste ; je dois donc être tout seul au milieu