Génétique, réincarnation et space-opera
Depuis "Matrix", la trilogie culte qui les a rendus célèbres et a révolutionné le cinéma de Science-fiction, les Wachowski sont rarement repassés derrière la caméra. En 2008, leur adaptation d’un manga de Tatsuo Yoshida, "Speed Racer", a été un échec. Plus récemment, en 2012, "Cloud Atlas", adapté du roman de David Mitchell et coréalisé avec Tom Tykwer, a laissé la critique mitigée. Les voici pourtant de retour avec un space-opera au scénario de leur crû.
Une jeune femme au nom improbable, Jupiter Jones, se retrouve malgré elle au cœur d’un conflit opposant les membres d’une influente famille extra-terrestre et découvre qu’elle est la réincarnation de leur ancienne reine.
Comme on peut s’y attendre avec les Wachowski, les effets spéciaux, éblouissants, sont au rendez-vous. Les images hallucinantes et léchées justifient pleinement l’usage de la 3D relief pour une immersion optimale dans un film qui laisse la part belle à l’action. L’univers décrit est suffisamment riche pour donner envie aux spectateurs d’en apprendre davantage. Pour autant, si on est bien dans un blockbuster haut de gamme, on est loin de la profondeur philosophique d’un "Matrix" ou des questionnements de "Cloud Atlas". Certes, en filigrane, la question du capitalisme à tout va où le profit prime sur la vie humaine est évoquée, tout comme le film laisse entrevoir une société dystopique où quelques-uns se maintiennent au sommet de la pyramide en écrasant les plus faibles grâce à leur maîtrise de la génétique. Mais les scènes d’action l’emportent sur le reste, faisant de "Jupiter, le Destin de l’univers" ("Jupiter Ascending" en VO) un space-opera somme toute pas très original et qui, du reste, n’échappe pas à certains clichés de ce type de production.
Ainsi l’idée que la Terre n’est qu’un monde habité parmi d’autres et que, dans l’ignorance des Terriens que nous sommes, l’univers abriterait une civilisation extra-terrestre nettement plus avancée que la nôtre n’est pas nouvelle. C’est même un poncif du space-opera populaire que l’on retrouve aussi bien dans "Flash Gordon" que dans le récent "Les Gardiens de la Galaxie" adapté d’un comics Marvel, de même que le fait qu’un(e) simple Terrien(ne) vienne mettre son grain de sable et contrecarrer les plans de tel seigneur extra-terrestre. Autre poncif, visuel celui-là, les emprunts à l’Extrême-Orient et à l’Antiquité gréco-romaine : la statue de la reine extra-terrestre dont Jupiter serait la réincarnation rappelle les statues de boddhisattvas, les vêtements des personnages oscillent entre style occidental et influence orientale, tandis que la forge de Balem Abraxas est entourée de statues ailées qui évoquent la statuaire grecque. Ce mélange bien sûr était déjà présent dans les précédents films des Wachowski et fait partie de leur marque de fabrique, mais, dans le genre très balisé du space-opera, il apparaît presque banal. (Que l’on songe à "Star Wars" !)
Enfin, certains éléments du script ne sont pas sans rappeler "Matrix" : l’héroïne au nom improbable, comme Neo, découvre la véritable nature du monde dans lequel elle vit et devra se battre pour préserver les siens, quitte, si nécessaire, à se sacrifier.
Malgré son manque d’originalité dans le fond, "Jupiter, le Destin de l’univers" reste un space-opera du meilleur niveau, dans lequel on ne s’ennuie pas. Mila Kunis est parfaite dans le rôle de l’héroïne, épaulée par un Channing Tatum en forme et un Sean Bean égal à lui-même. La prestation d’Eddie Redmayne dans le rôle de Balem Abraxas vaut quant à elle le détour, tant l’acteur joue à merveille ce personnage si dépourvu d’empathie qu’il en paraît presque plus inhumain que les créatures anthropomorphiques qui le servent.