A mesure que j'avançais dans la pénombre de la salle de cinéma où le film allait être projeté, je me sentais de moins en moins convaincu à l'idée d'aller voir ce qui me semblait alors plus relever d'une franchise cinématographique qui a depuis longtemps épuisé sa recette plutôt qu'un vrai bijou qui par sa forme et son contenu surprendrait plus d'un cinéphile aguerri.


Colin Treverrow sait à quoi il s'attaque là : rien moins qu'un classique (oui, selon moi le Jurassic Park de Spielberg qui a déjà 22 ans bien frappés est incontestablement, par certaines scènes d'anthologie, un classique de l'histoire du cinéma), et cette évidence est palpable dans le film : nombre d'éléments renvoient ici au premier opus, comme si le réalisateur voulait nous dire qu'il n'a jamais voulu s'attaquer à l'oeuvre de spielberg, qu'il n'a aucunement l'intention de la dépasser, et mieux, qu'il ne peut se mesurer à pareille concurrence, tout ceci parfaitement bien représenté dans le combat final -spoil- entre le vieux T-Rex ridé et le nouveau venu, l'Indominus Rex. 

Evidemment, pareil blockbuster ne peut intelligemment éviter la pléthore de clichés qui va avec (c'est dans le package) : des mômes chiants au possible (le petit geek sensible exécrable, l'ado sexy blasé, qui donneraient à n'importe quel célibataire la volonté de conserver son statut dans le but légitime d'éviter pareille progéniture), la rousse horripilante mais attirante. Et le bûcheron has-been : Chris Pratt.. Rien que le nom de l'acteur est un cliché. Jurassic World, avec ...Chris Pratt. A un moment donné, j'ai cru que c'était Chris Hemsworth, ou Taylor Kitsh, je ne sais plus. Il sont tous interchangeables ces acteurs. Chris Pratt donc. Un Indiana Jones du pauvre, plutôt sympathique, qui forcément est boursouflé de stéréotypes qui fatiguent l'esprit rien qu'à les évoquer : as de la mécanique, musclé, beau gosse mal rasé qui a bien bourlingué, tout ceci possède le don de tous nous énerver. Et puis il y a Omar Sy... sans déconner, qu'est-ce qu'il fout ici ? Allez quoi, parce qu'il a eu un césar, c'est ça ? Qu'est-ce que ça sonne faux bon sang... je l'aime bien ce bonhomme, mais sa présence relève de la farce. Mais on rit jaune. Ou est-ce de l'humour noir ?


Que dire de pareille affliction ? Qu'il est préférable de parler de la qualité du scénario. OH – OH – OH. La mauvaise foi... comme si je pouvais espérer un script du niveau de Usual Suspects en allant voir ce film.
Inutile de tourner autour du pot... Vous vous en doutez bien : on devine tout. On sait bien qu'il va y avoir quelque dysfonctionnement dans quelques clotures, que des tas de dinos vont prendre la poudre d'escampette, et qu'il va y avoir quelques gerbes de sang...
Après tout, on sait aussi quelle maison de production tire les ficelles.
On sait, que dis-je on sent, on renifle même, que le personnage ubuesque de Vincent D'Onofrio est un connard fini, et que pareille raclure ne pourra survivre à sa connerie.
On sait que les raptors iront courir dans les bois pour lancer la chasse, on sent qu'il y a corruption, on sent qu'il faut remettre la cassette de Jurassic Park. Je sais très bien qu'il faut arrêter de voir des films comme ça mais je sent bien que j'irai toujours en voir...


Que dire d'autre ?
Bon, essayer de dompter des raptors c'est tout de même bien pensé. J'accorde au moins un bon point à ça.


Et puis, il y a bien une petite critique un brun poussive de la société de conso. J'ai même eu droit à une petite mise en abîme existentielle, j'ai effectivement fini par comprendre que, après tout, l'une des raisons qui m'a poussé à aller voir ce film reste finalement la même qui a entrainé des dizaines de milliers de touristes à se rendre sur l'île de Jurassic World : la volonté de voir de nouveaux monstres, un peu plus effrayants, un peu plus gros, et de me gaver de scènes spectaculaires. Et j'ai le sentiment d'avoir eu un petit peu de ce que j'étais venu chercher là : des combats de dinosaures.

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le 13 juin 2015

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Errol 'Gardner

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7

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