À l'image du film qui est lui-même à l'image de l'indominus-rex (bordel mais quand même les personnages se foutent de la gueule du nom de ton dino inventé, ça la fout mal -- et encore, personne n'a souligné l'ultra-redondance dudit nom), cette critique ne sera qu'un patchwork, d'impressions diverses.
(J'ai tenté les balises "spoiler" mais ça fait tout moche dans ma critique, alors je vous dis dès maintenant qu'il y en a un peu partout, des spoilers)
1 : C'est bien beau d'avoir Phil Tippett comme consultant, mais je peine à croire que c'est lui qui a vous a soumis l'idée d'utiliser autant d'images de synthèse, surtout quand celles-ci font parfois pâle figure comparées à celles de... Jurassic Park, il y a 20 ans. Ajoutons à ça une mise en scène qui manque de dynamisme dramatique, d'intensité émotionnelle, et on se retrouve avec un film où ne croit presque jamais à la réalité de ces dinosaures, au fait qu'ils sont vraiment incarnés, qu'ils sont en contact avec le monde et les humains qui les entourent.
Même s'il y a quelques plans qui contredisent cette impression d'ensemble, comme la sortie d'enclos de l'indo-minus (bonne idée de filmer depuis sous la voiture, excellente idée le coup de l'essence), les dimorphodons qui galèrent à soulever les humains (mais bordel choppez les gosses, les gosses!) jusqu'à l'épisode du bassin, le combat (trop court) de l'ankylosaure, la course AVEC les raptors (même si là le côté déréalisant vient de la moto qui roule en pleine forêt comme si elle était sur une piste).
Mais ces quelques rares scènes sympa ne m'enlèvent pas l'idée d'avoir eu l'impression de regarder un film virtuel (oui, je sais, tous les films sont virtuels, mais le talent c'est justement de faire croire que non), limite une cinématique de jeu-vidéo ; bref, un film d'hologrammes, de fantômes de ce que furent ces magnifiques créatures sous la caméra de Spielberg (tiens d'ailleurs, et le dilophosaure, à part un hologramme, il est devenu quoi? Il s'est étouffé dans son vomi avant de devenir adulte?).
Dans Jurassic Park, l'eau qui tremble sous le poids des pas du T-Rex, son souffle qui fait voler le chapeau, ses pattes qui écrasent la jeep, le brachiosaure qui éternue au visage, le tricératops dont le ventre se gonfle, le raptor qui tapote de la griffe sur le sol de la cuisine ou qui soulève une bâche ; tout ces effets contribuent à inscrire les dinosaures dans le même monde que les personnages, et contribuent donc à nous faire ressentir les émotions de ces personnages : peur, émerveillement, etc.
2 : Bon, ça avait bien bruité depuis des mois, le scénario se permet toutes les idées les plus débiles sur le papier. Mais dans le film, ça passe presque :
- les raptors domptés, on y croit pas une seconde quand on les voit eux (parce que ce sont des bêtes sanguinaires, parce qu'on découvre à peine leur mode de vie, parce qu'on dompte pas des reptiles même super intelligents comme on dompte des mammifères, etc.), mais quand on voit Chris Pratt, oui (plus que quand il drague, en tout cas).
- rouvrir le parc d'attractions : je comprends pas du tout comment John
Hammond a pu cautionner ça (le nouveau directeur dit qu'il lui a
confié les clefs du parc en gros), ni comment la WWF cautionne ça
aussi (bordel mais regardez ces tricératops HUMILIÉS, c'est pire que
les enclos à chèvres dans les zoos), mais le film joue bien sur le
côté méta genre "regardez tous ces connards de touristes (et encore,
on leur a enlevé leurs iPhounes des mains) qui demandent plus de
dents, plus de 'whaou' : c'est vous, bouffeurs de pop-corn nostalgeeks qui avez
défoncé le record d'entrées en un week-end alors que le film
s'annonçait clairement comme pas génial." (voir le comparatif avec
les fast-foods dans la critique de zombiraptor).
- inventer un dinosaure en mixant l'ADN, nanardesque mais justifié par les
velléités finalement assez réalistes (dans le sens : ça pourrait
exister en vrai) d'INGEN (bon reflet de la politique extérieure des USA) et par le discours du Dr Wu (qui m'a bien fait rire par sa 1ère apparition puis avec son faux côté "ah oui
mince j'avais pas pensé qu'il deviendrait invisible comme la seiche
lol" -- d'ailleurs Crichton ne s'est pas embarrassé de telles
explications, il a écrit son carnotaure 'Predator' tout comme son
dilophosaure venimeux en disant tout simplement qu'on ne savait
finalement presque rien sur les capacités des dinosaures).
3 : Oui tout le monde adore Jurassic Park, mais pas pour les gamins relou ! Pas la peine de nous en servir des nouveaux, avec une énième histoire de divorce et de glorification de la famille (ou alors c'était encore une blague méta, quand je vois le dernier plan du couple dans la lumière ça le laisser penser en tout cas : c'est trop gros pour être premier degré).
Et c'est super de montrer une meuf qui finit par porter ses couilles et tout (mais qui est quand-même régulièrement remise à sa place de "moins cool que Chris Prrrrttttt"), mais on est vraiment obligé de la montrer d'abord en pétasse et de la faire garder ses talons hauts pendant toute la traversée de l'île coursée par des dinosaures ?
Sans oublier le millier d'incohérences ou de plot holes du film (forcément, plus c'est gros, plus on s'expose à ce genre de problèmes), notamment en ce qui concerne la sécurité high tech mais qu'on n'utilise pas vraiment (genre j'ai besoin de téléphoner au PC pour avoir le traçage du Roi-Maître-Lézard, oupsi-doupsi pendant ce temps les gars sont rentrés sans véritable raison dans son enclos), la grosse boule de hamster qu'a pas l'air non plus de pouvoir résister à une charge de tricératops mais dans laquelle on met les touristes, etc.
4 : Je veux bien que les raptors communiquent entre eux, mais de là à les voir tailler la bavette avec leur cousine Indomino qu'ils viennent à peine de rencontrer (et qui est censée être asociale) pour savoir qui sera le loup et-comme-la-reine-et-le roi-ne-le-veulent-pas-ce-sera-toi, faut pas pousser mémé dans la gueule d'un mosasaure non plus. Et le côté T-Rex + raptor vs. Godzilla, ok, c'est rigolo, ça claque, mais à la fin j'ai limite eu l'impression qu'ils allaient se faire un high-five (3 doigts pour le raptor et 2 pour le T-Rex, oui ça fait bien un high-five).
5 : Génial le plan au début sur la patte de l'oiseau, qui rappelle que, non, les dinosaures n'ont pas tous disparu en vrai : certains sont juste devenus des pigeons (une leçon d'humilité encore plus forte que celle, assez bien résumée par le directeur de Jurassic World, offerte par les dinosaures nous rappelant notre petitesse physique et historique). Des pigeons comme nous, qui continuons à payer pour aller voir des films comme ça où on se fout un peu de notre gueule tout en nous donnant des coups de coude complices. Perso je ne sais plus si je dois rire avec les raptors qui s'en foutent, tant qu'il y a quelque chose à bouffer dans le film ; ou pleurer, devant ce cimetière de brontosaures sacrifiés sur l'autel de la coolitude qu'est en train de devenir Hollywood.