"Jurassic World", c’était un film autant à craindre qu’à espérer. A craindre parce qu’après les deux précédents films ayant déçu une grande partie des spectateurs, on pouvait se dire jamais deux sans trois (même si personnellement j’aime les regarder une fois de temps en temps) mais à espérer parce que d’une part c’était un total inconnu aux manettes et l’on pouvait se dire que pour confier un tel projet à un gus sorti de nulle part il fallait quand même avoir un minimum de confiance en lui, et d’autre part... bah parce que c’est Jurassic Park quoi !
C’est donc en juin 2015 après 14 ans d’absence que le parc s’ouvre enfin au public et je dois dire que le résultat est plutôt décevant, en grande partie à cause de son message et de la façon dont il le traite.
"Jurassic World", c’est un film assez particulier, un blockbuster tout ce qu’il y a de plus banal mais qui a conscience qu’il est un blockbuster et qui le critique, ainsi que le Hollywood d’aujourd’hui. L’intention est honorable mais c’est au niveau de la concrétisation qu’il y a un problème.
En effet le film ne repose quasiment que sur la nostalgie du premier film en essayant de prendre les fans de "Jurassic Park" par les sentiments, que ce soit au niveau du scénario ou de certaines scènes très similaires au film de Spielberg ou des clins d’œil qui se comptent par milliers.
Un léchage de bottes du premier film et du Hollywood d’avant insupportable qui est notamment appuyé par un postulat du "C’était mieux avant" que l’on retrouve tout le long du film, que ce soit comme dit précédemment avec d'innombrables clins d’œil mais aussi par exemple avec le dernier plan du film qui l'achève de n’être qu’une canne à pêche à gosses des années 1990.
Un postulat que je trouve un peu gênant étant donné que non le cinéma ni Hollywood n’étaient pas forcément mieux avant, à n’importe quelle époque on a fait des divertissements qui sont des chefs-d’œuvre comme on en a fait qui sont des navets, quand on cherche un peu on trouve.
Ce qui est dommage c’est que le film critique les blockbusters aseptisés et répétitifs d’aujourd’hui mais ne propose rien de nouveau à la place, étant l'un d'eux lui-même, alors que c’est son rôle de divertissement de divertir justement, chose qu’il n’arrive à faire que très rarement en 2 heures.
Un divertissement de piètre qualité du fait notamment de ses personnages tous plus idiots, clichés et copiés les uns que les autres, que ce soit la tante qui n’a pas le temps de passer du temps avec ses neveux parce qu’elle s’occupe du parc (vous avez dit John Hammond ?) ou les gosses composés du gentil et mignon petit frère fan de dinosaures (vous avez dit Tim ?) et du grand frère ado qui fait la tronche et qui mate plus les filles que les dinosaures (merci la VF pour ce "boloss" sorti pendant le film et qui m’a donné envie de me taper la tête contre le siège d’en face).
Mais la palme revient quand même au personnage joué par Vincent D’Onofrio, un homme qui même si il a vu sous ses yeux que ce n’est pas une bonne idée d’utiliser des raptors comme arme… décide de le faire quand même. Un personnage qui meurt ensuite comme un champion au beau milieu de son dévoilement de plan de méchant tel Samuel L. Jackson dans "Peur Bleue", un grand bravo à lui.
Niveau réalisation Trevorrow fait le travail sans grande originalité (reprenant par moments certains plans du premier film) mais arrive à donner vie aux grands espaces lors des quelques très beaux plans larges qui sont présents dans le film, par contre la scène du combat final est moche et très brouillonne.
Un combat final ô combien épique où l'on voit s’affronter l’Indominus Rex, cette créature de laboratoire mi-dinosaure, mi-monstre de Frankenstein et les animaux du premier film, le raptor et le T-Rex (qui au passage détruit un squelette de spinosaure avant de se battre, petite vengeance), des… créatures de laboratoire également mais qui symbolisent la victoire de la nature sur l’expérience scientifique (avec l’aide du Mosasaure quand même) ainsi que celle du blockbuster d’hier sur celui d’aujourd’hui.
Un combat qui restera dans les mémoires de par cet adieu émouvant entre le T-Rex et Blue le raptor ainsi que ce dernier regard entre Owen Grady le dresseur de raptors et Blue, où Owen lui fait non de la tête avant qu’avec un regard émouvant, Blue ne se sauve dans les ruines du parc… je rappelle que l'on parle d’animaux.
Mais bon jusqu’ici j’ai été un peu méchant avec le film alors qu’il contient quelques (rares) qualités. Le film est relativement drôle (que ce soit pour les bonnes ou les mauvaises raisons, personnellement j’aime beaucoup le visiteur qui sauve d’abord ses margaritas avant de sauver sa peau lors de l’attaque des ptérodactyles), certaines scènes sont plutôt efficaces et la qualité de la musique est à souligner car contrairement à ce que l’on aurait pu penser, le thème de John Williams n’est pas utilisé jusqu’à plus soif, il est utilisé une fois pour introduire le spectateur au parc puis laisse sa place à la sympathique composition de Michael Giacchino.
Après je ne m’attarderais pas plus que ça sur le fait que Bryce Dallas Howard puisse courir avec des talons hauts pendant les trois quarts du film, ni sur les placements de produits à outrance qui font plus rire qu’autre chose.
"Jurassic World" est finalement un film étrange où une impression de malaise se fait ressentir lors du visionnage, car on a l’impression que Colin Trevorrow nous parle, nous disant : "Regardez, mon film n’est pas bon, c’est ce qui se faisait avant qui était de qualité, alors sortez de la salle et allez regarder le premier film !".
Je crois que ce que l’on peut retenir de ce film, c’est que c’est bien sympa de critiquer le système Hollywoodien et les blockbusters bas de gamme, mais que le mieux serait encore de proposer quelque chose de neuf à la place, et puis c’est également sympa de saluer le film de Spielberg mais saluer ne veut pas dire lui cirer les pompes toutes les 5 minutes.
"Jurassic World" c’est, contrairement au film auquel il essaye de rendre hommage, un long-métrage où même les scènes avec les dinosaures sont dénuées de magie et de tension, fini le frisson lorsque le carnivore apparaît à l’écran, fini l’émotion de voir les herbivores gambader dans les prairies. Si dans "Jurassic World" les dinosaures n’impressionnent plus personne et font partie du paysage, il en est malheureusement de même pour le spectateur car le film nous fait lui-même ressentir cette impression. Une impression notamment due à des effets spéciaux désolants et une couleur bleue ambiante dégueulasse constamment sur l'écran et les dinosaures.
Au final le film tente vainement d'être intelligent en nous proposant une morale qui d'abord n'a pas de sens, mais qui en plus est mal mise à l'écran. Dommage est donc le mot qui définirait le mieux je pense, cette suite qui avait tellement de potentiel.
A oublier.