En regardant le reboot Jurassic World dans son entièreté, c'est difficile de ne pas penser à la postlogie de Star Wars. Le premier volet de ces trilogies respectives fut souvent taxé de remake à peine assumé, compte tenu des nombreuses redites avec son modèle. Arrivent des seconds opus nettement plus aventureux qui font mine de répéter pour au contraire suivre (enfin) leur propre voie. En clair, Fallen Kingdom acceptait sa nature de série B délirante au lieu de courir après l'héritage laissé par Spielberg. Le consensus autour de cet épisode charnière saluait l'arrivée de Juan Antonio Bayona derrière la caméra tout en regrettant certains choix scénaristiques escamotés. Pour le dernier tour de piste, le réalisateur Colin Trevorrow (qui a lancé les festivités en 2015) revient aux manettes, on fait monter la sauce avec un point de départ fantasmé depuis belle lurette et on rappelle la clique de vétérans pour refermer le cycle avec tambour et trompettes. Comme pour...Vous avez deviné. Si vous avez vu l'épisode 9 de Star Wars, vous savez donc que le dernier tournant nous amène droit dans le mur. L'autopsie du crash s'impose.
Première raison de l'accident ? Colin Trevorrow lui-même. Pas par manque d'idées, c'est d'ailleurs le problème. Le cinéaste n'en manque pas, il est seulement plus doué pour les amorcer que pour les exploiter. Également co-scénariste sur la trilogie entière avec Derek Connelly (ils sont accompagnés cette fois de Emily Carmichael) , il fait ici feu de tout bois jusqu'à rompre la cohérence avec ses prédécesseurs mais aussi lui-même. Nous nous retrouvons avec un brouillon qui ouvre beaucoup de pistes et torche les plus intéressantes : le monde post-arrivée des dinosaures chez nous, la famille recomposée (thème Spielbergien par excellence). Qu'en est-il des autres ? Le fil rouge, pour le coup inattendu, ne débouche littéralement sur rien. Le pourquoi du comment est salement délaissé, de la même manière que la figure d'antagoniste est traitée par dessus la jambe. Vous vous souvenez du Dr Wu, qui personnifiait les dérives génétiques hier ? Il est aujourd'hui réécrit de telle façon que Le Monde d'Après n'est même plus cohérent avec ce qu'installait son prédécesseur. Plusieurs autres éléments corroborent le désaveu de Fallen Kingdom. En premier lieu, le très attendu retour des vétérans Sam Neill, Laura Dern et Jeff Goldblum, véritable 180° qui replace cet épilogue dans la démarche copiste du tout premier Jurassic World.
Sans surprise, on prend plus de plaisir à retrouver les anciens qui y mettent de la bonne volonté, même s'il est clair qu'ils se tamponnent de ce que raconte le film. Quant à la nouvelle garde (Chris Pratt, Bryce Dallas Howard), une réplique qui leur est adressée lors d'une phase d'infiltration synthétise parfaitement leur rôle."Soyez transparents". Message reçu 5 sur 5 et ce depuis 2015. Je ne m'étendrai pas sur les invraisemblances, poussées à leur maximum. Oui, tout film en a, ce n'est pas un problème quand elles n'altèrent pas le récit. Ici, elles dégradent autant les situations que les résolutions en passant par les protagonistes (DeWanda Wise, au hasard). Malgré tout, le plus embêtant demeure ce recyclage assumé de plusieurs séquences entières du premier Jurassic Park voire même Jurassic World (!) : le périple autour du système de sécurité, l'assaut sur la voiture, l'utilisation des Dilophosaurus, le final horripilant. Quant au laïus prononcé par Ian Malcolm, ce n'est qu'une resucée de ce qu'il déclamait devant le sénat en 2018, comme si de rien n'était. On en arrive au point où l'on ne sait plus si Colin Trevorrow s'en fiche ou s'il se moque. Plusieurs répliques méta ironiques lancées par Jeff Goldblum font pencher la balance en faveur de la deuxième option, ce qui n'arrange rien à l'affaire (malgré le talent du comédien) puisqu'elles confortent la dimension cynique qu'assume ce troisième opus (à l'instar du calamiteux premier).
Ne reste plus qu'à compter les bons points là où on en trouve. Je constate un effort à la mise en scène sur deux scènes d'action (le reste est au mieux passable), une à Malte et l'autre avec Claire dans la forêt, moment de tension très bien géré. Depuis Fallen Kingdom, on constate une meilleure finition sur les effets visuels que Le Monde d'Après confirme. Sans retrouver la physicalité de Jurassic Park ou du précédent, le travail effectué sur les nouveaux dinosaures est globalement convaincant, notamment les espèces à plumes (le Therizinosaurus). On passera donc volontiers l'éponge sur quelques intégrations moyennes. Enfin, Michael Giacchino nous gratifie une fois de plus d'une bande-originale dans la lignée des sonorités offertes par John Williams. Ramenées à 2h26, les bonnes choses ne pèsent pas lourd. La postlogie de Star Wars fut un condensé assez précis des erreurs à ne pas commettre, cette trilogie Jurassic World n'est pas loin d'en être la jumelle. Cohésion en berne, direction artistique confuse, recyclage pompier et entre-deux l'espoir d'un renouveau pris en étau entre la paresse et la stupidité.