Le précédent volet Jurassic World: Fallen Kingdom se terminait sur la promesse d’aventures dans un monde où l’humanité est contrainte de cohabiter avec les dinosaures. Cette promesse semble en partie tenue avec une belle séquence d’ouverture qui voit une pêche en haute-mer perturbée par l’irruption d’un Mosasaurus. Mais plutôt que de traiter ce sujet Colin Trevorrow est plus intéressé par faire de cet opus un évènement qui réunit dans un seul film les héros de sa saga Jurassic World avec le casting original du film de Steven Spielberg. Avec sa coscénariste Emily Carmichael (Pacific Rim: Uprising) il parvient à bâtir deux trames parallèles pour chacun des deux groupes qui vont évidemment se réunir mais ainsi fait des personnages originaux des protagonistes à part entière et non de brèves apparitions. Nous suivons donc d’une part une part l’enquête menée par Ellie Sattler (Laure Dern) pour laquelle elle enrôle Alan Grant (un Sam Neil sur lequel le temps ne semble pas avoir de prise) autour d’une calamité écologique derrière laquelle se cacherait une technologie de génie génétique de la société Biosyn responsable de la résurrection des dinosaures. Ils sont aidés de l’intérieur de la firme par leur vieille connaissance Ian Malcom (Jeff Goldblum). De l’autre nous retrouvons Owen Grady (Chris Pratt) et Claire Dearing (Bryce Dallas Howard) qui depuis le dernier volet servent, caché dans l’Amérique profonde, de parents de substitution à Maisie Lockwood (Isabella Sermon) clone de la fille biologique, de Benjamin Lockwood cofondateur avec John Hammond du Jurassic Park original. Quand celle-ci est kidnappée, avec le propre bébé du vélociraptor semi-domestiqué Blue, le couple se lance à sa recherche à travers le monde aidé par d’anciens alliés comme Barry (Omar Sy) désormais agent de la CIA et de nouveaux comme la pilote intrépide Kayla Watts (Wanda DeWise).
La lecture de ce résumé met en évidence un des principaux problèmes de ce nouvel opus. Le succès de Jurassic World tenait à ce Colin Trevorrow avait bâti son film, à l’image de ses dinosaures, à partir de l’ADN de l’original « augmenté » pour s’adapter aux critères modernes du blockbuster, en reprenant la solide structure narrative et en convoquant les images marquantes. Mais le (high) concept de Jurassic Park cette combinaison parc d’attractions / de dinosaures se prête mal à de multiples déclinaisons sous peine soit de trop s’en éloigner soit de tomber dans la redite. Une équation que Spielberg lui-même n’avait pu résoudre avec The Lost World. Jurassic World Le Monde d’après commet ses deux erreurs simultanément avec des aventures trop farfelues dans un univers qui s’éloignent trop de la réalité pour être pertinent avant de se retrancher dans un lieu fermé , une sorte de sanctuaire montagneux situé au milieu du massif alpin italien des Dolomites, qui n’est qu’une nouvelle déclinaison des parcs des précédents. Trevorrow et Carmichael se concentrent sur le personnage de Maisie Lockwood tentant de faire de l’adolescente le cœur de l’intrigue mais sans jamais parvenir à la rendre intéressante. Leur script ne tire jamais pleinement parti, de manière créative, du concept majeur de la coexistence de l’homme avec les dinosaures qui n’a finalement rien à voir avec l’histoire racontée ici. Si on retirait les scènes avec les dinosaures l’histoire serait finalement la même. L’intrigue ressemble plus à celle d’un James Bond médiocre de la fin de l’époque Roger Moore qu’à un film Jurassic Park avec son méchant milliardaire mégalomane et son homme de main.
C’est d’autant plus dommage que les effets spéciaux qui donnent vie aux dinosaures n’ont jamais été aussi réussis avec un mélange parfait et fluide d’effets numériques et d’animatronique. Il y a une tentative notable de ramener leur conception de dinosaures à des espèces authentiques (pas de nouvelles créatures hybride) tout en incorporant les dernières théories sur leur apparence et leur comportement (un dinosaure à plumes !!!). Mais leur multiplication, il y en a jamais eu autant dans un film de la franchise fait perdre à leurs apparitions le sens de crainte et d’émerveillement qui ravissait autrefois le public. ll y a bien sur (et heureusement) de nombreuses séquences très réussies impliquant des dinosaures dans Jurassic World Le Monde D’Après mais les scénaristes ne parviennent jamais à les intégrer de manière organique dans une trame cohérente . Le film est si long et manque cruellement de rythme jusqu’à s’enliser dans son interminable dernière partie. Le seul moment qui retrouve le souffle de l’aventure est sans aucun doute une séquence bourrée d’action à Malte, qui passe d’un bazar de dinosaures clandestins à une poursuites à grande vitesse, cinétique et haletante dans les rues de la vieille ville entre Owen et des dinosaures décidés à le dévorer. On se surprend à y retrouver quelques plans comme celui où la caméra semble suivre le saut d’un dinosaure à travers une fenêtre aux trousses d’Owen qui évoquent la franchise Jason Bourne. En consultant le générique on constate que c’est à Dan Bradley, la star des coordinateurs d’action (qui enfanta du style saccadé et frénétique des Bourne) que revient la tache d’orchestrer le chaos de l’action. Si son travail est moins méticuleux que sur les films de Paul Greengrass , on ressent néanmoins clairement sa patte dans l’impact des scènes d’action.
Il est assez surprenant de constater que l’enthousiasme et l’implication des comédiens du film original semblent plus grands que celles des héros de la trilogie en cours. Laura Dern, Sam Neill et Jeff Goldblum semblent heureux de se retrouver et font tout pour tenter d’animer le récit et donner aux spectateurs des moments équivalents à ceux de Han Solo dans Star Wars The Force Awakens. Mais ils se heurtent à un problème inhérent à cette franchise : les personnages de Jurassic Park n’ont jamais été aussi emblématiques que le film. Plus que des personnages incarnés ils servaient avant tout de rouages dans la mécanique de précision mise en place par Spielberg et son scénariste David Koepp , assez caractérisés pour que le spectateur tremble pour eux mais jamais assez développés pour entretenir une vraie connexion. Ce sont bien les dinosaures en particulier le T-Rex qui tenait lieu de star emblématique de la franchise. Jurassic World Le Monde D’Après essaie de faire ressentir cette nostalgie au forceps mais ces efforts apparaissent vains. Mais que dire alors des personnages principaux de cette trilogie ! Bryce Dallas Howard et Chris Pratt semble moins impliqués. Pratt en particulier traverse le film en pilote automatique, livrant sans doute la pire performance de sa carrière à l’image de la Jennifer Lawrence dans les derniers films X-Men. Le personnage est ici privé de tout charisme et de tout humour, il n’est qu’un ex-militaire taciturne attendant que sa doublure numérique prenne sa suite dans les séquences d’action. Bryce Dallas Howard tente d’injecter un peu d’humanité à son personnage mais son implication peine à dépasser le minimum syndical.
Du coté des nouveaux personnages, celui incarné par Wanda DeWise semble taillé sur le modèle d’Han Solo mais serait ainsi plus à sa place dans l’univers Star Wars ou aux cotés d’Indiana Jones. Le PDG de Biosyn qu’ incarne Campbell Scott (le petit ami malade de Le Choix d’aimer le mélo de Joel Schumacher avec Julia Roberts dans les années 90) est un introverti social à la Steve Jobs, sans cesse frustré par l’étroitesse d’esprit de ceux qui l’entourent et incapable de voir les défauts cataclysmiques de sa vision. Il semble être le cousin du personnage incarné par Mark Rylance dans la comédie Don’t Look Up. Son âme damnée Soyona Santos incarnée par l’actrice australienne Dichen Lachman est le seul personnage qui imprime la pellicule. Il y a une vraie similitude entre cette nouvelle trilogie Jurassic World et la postlogie Star Wars : un premier volet dynamique qui reprend la structure de l’original, un second, volet qui déçoit les fans avec un nouveau réalisateur au style marqué pour enfin voir le retour du réalisateur du premier film revenir terminer la trilogie avec beaucoup de fan service et peu de réussite.
Conclusion : Malgré quelques belles séquences et le retour des anciens acteurs avec ce Jurassic World Le Monde d’après trop long, trop mou, trop confus Colin Trevorrow , Amblin et Universal aveuglés par le désir d’exploiter encore notre fascination sans fin pour ces bêtes géantes du passé ont perdus de vue ce qui rendait cette franchise spéciale en premier lieu et peinent à lui donner une conclusion satisfaisante.