Le dernier Clint Eastwood est arrivé dans les salles, et il suscite une irrésistible envie de l’analyser comme l’ultime œuvre de ce cinéaste de légende, désormais nonagénaire. D’un côté, il y a la tentation de voir ce film comme un "testament", un "chant du cygne", un adieu chargé de gravité, autant de concepts devenus clichés avec le temps. De l’autre, il s'agit aussi de considérer ce long-métrage comme un dernier acte de bravoure d'un réalisateur exceptionnel qui persévère jusqu’au bout. Mais si l’on se laisse entraîner dans ces interprétations, ne passe-t-on pas à côté du film lui-même ?
Pour résumer et donner un avis général : j’ai trouvé le film bien construit, bien écrit et habilement réalisé. Il n’y a pas de grandes audaces formelles, mais une simplicité maîtrisée, typique des derniers films d’Eastwood. Pas une minute d’ennui ; Eastwood dirige le scénario de Jonathan Abrams avec la précision et l’efficacité que l’on attend d’un film de procès réussi. Avec les années, il a vraiment affiné un art de l’épure, sans prétention autre que de scruter, avec une précision quasi-chirurgicale, les ambiguïtés des institutions américaines vis-à-vis de leurs citoyens. Certains observateurs ont d'ailleurs qualifié Eastwood de « anar de droite », critique du système de l’intérieur. Ici, c’est en quelque sorte un procès de la Justice elle-même - souvent perçue comme arbitraire, inhumaine et même injuste - qu'il nous offre.
Si ce film est le dernier de Clint Eastwood, il conclut sa carrière en beauté - même si sans éclat spectaculaire - et fait écho à ses derniers films, souvent centrés sur la critique d'un système américain qui oppresse ses citoyens. L’ombre du procès planait déjà sur des films comme Richard Jewell et Sully, et cette nouvelle œuvre s’inscrit logiquement dans cette continuité. On est sur un film humaniste à l'ancienne, pas dans l'ostentation, ces mêmes valeurs qu'on a apprécié dans chaque film de Eastwood depuis Un monde parfait et dans les films de Lumet, de 12 Hommes en colère à Un après-midi de chien.