Ne nous mentons pas : depuis dix ans, on aborde chacun des films de Clint Eastwood comme le probable épilogue à sa carrière. C'est évidemment le cas pour Juré n°2 que la Warner semble peu encline à soutenir (il sort dans 50 salles outre-atlantique) après les scores décevants des deux derniers opus signés Eastwood. Un peu triste pour une fin de carrière et un partenariat de 50 ans dont quelques des plus belles réussites avaient pour point commun de discuter le cadran moral et les valeurs cardinales de l'Amérique. Un sillon labouré à coup de Mystic River, Jugé coupable ou Le cas Richard Jewell auxquels s'ajoute ce nouveau long-métrage. Ou aurait pu s'ajouter.
Sur le papier, tout est là. Un procès, un jury, douze membres et parmi eux un coupable. Shyamalan aurait pu en faire un thriller tordu, Eastwood préfère s'en tenir à un drame sur la culpabilité et le choix impossible. Placé sous l'influence de l'immortel Douze Hommes en Colère - qu'il reprend littéralement au début des délibérés - Juré n°2 se pose en héritier évidemment plus ambigu. La question n'est plus tant sur les notions de justice et de morale que la manière dont on les reconsidère au besoin. En parallèle, le script a le bon goût de faire grincer cette logique de l'impartialité quand elle se résume à 12 personnes et autant d'à-priori dans la même pièce. Ce charmant programme est hélas desservi par une mise en scène désespérément plan-plan, illustrant de façon la plus plate le récit des évènements et l'attitude de son personnage. On aura même pas le loisir de trouver un peu d'air frais chez les seconds-rôles puisque la quasi-totalité est évacuée sans sommation. Eastwood commet en plus l'erreur de sabrer tout suspense au gré d'une ellipse incompréhensible et d'une trouvaille via Google assez ridicule. Nicolas Hoult et Toni Collette et le final sauvent le film. Il y a plus déshonorant pour une carrière, mais si celle d'Eastwood devait s'en tenir là, il y a de quoi être frustré tant il a pu offrir mieux sur le même sujet.