Dans mon panthéon personnel, Eastwood occupe sans doute la première place, donc je ne serai pas très objectif. Il n'est pas le seul à avoir tourné jusqu'à la fin, proche sans doute, puisqu'il a quatre-vingt quatorze ans étant né en 1930.
Que penser de Juré n°2 ? Clint — je me permets de l'appeler Clint — n'a plus fait de TRÈS grand film depuis Gran Torino, à mon sens. Les films Malpaso sont d'honnêtes films, parfois quelque peu ennuyeux, je ne vais pas tout citer il y en a tant, mais disons que la qualité n'est pas nécessairement au rendez-vous de la qualité.
Ce film me paraissait mal parti. Le procès d'un type accusé d'avoir tué sa compagne par une nuit de pluie d'apocalypse ; un autre type, bientôt père, qui participe au jury et comprend — je ne spoile pas, c'est dit dès le début du film ou presque — que c'est lui qui a tué cette fille, croyant avoir heurté un cerf.
La première partie, le procès, est assez ennuyeuse. Il en ressort un jury convaincu que l'accusé est coupable. Comme dans Douze hommes en colère qu'Eastwood démarque très explicitement, un seul juré, Justin Kemp, le juré n°2 et vrai tueur, demande à ce qu'on réfléchisse avant de condamner un homme à la réclusion à vie. Pour le principe ? par culpabilité sans doute.
Pourquoi ne dit-il pas la vérité ? Il est alcoolique et serait lui-même emprisonné pour récidive s'il venait à se savoir qu'il a tué, même par accident, la victime, Kendall Carter (Francesca Eastwood, tiens).
Il cherche une façon d'en faire venir le jury à la conclusion d'un hit and run, d'une mort accidentelle causée par un conducteur inconnu, tout en évitant d'être identifié comme l'auteur de l'homicide.
En définitive, parce qu'il ne sert à rien d'en dire plus, l'interprétation m'a laissé un sentiment mitigé. Kemp n'est pas très charismatique, sa femme, future maman, est un peu nunuche.
Quel est en définitive l'axe thématique du film ? Je dirais la culpabilité et la rédemption.
Rédemption de Kemp, qui a eu le droit à une nouvelle vie grâce à la sobriété acquise aux AA ; qui souhaiterait que Sythe pût en bénéficier également, mais le moyen ? s'il faut pour l'innocenter qu'il compromette ce qu'il a reconstruit.
"Sometimes truth is not justice", fait écho à la fin du film, dans la bouche de Kemp, aux propos du vieux professeur de la procureure (assez démonstrativement dénommée Faith Killebrew) : "justice is truth in action."
La conclusion, un peu téléphonée, accentue le sentiment d'inachevé, d'immaîtrisé du récit.
Mais ne boudons pas notre plaisir : Clint a de beaux restes.