C'est un fait divers, une histoire banale. Celle d'un couple séparé qui se déchire, d'abord par avocats interposés, puis dans l'intime, avec implication de la belle-famille et de l'entourage, autour de la garde de ses enfants. Un sujet simple que Xavier Legrand attaque de manière frontale, sans pathos, sans musique, sans esbroufe, déployant une réalisation au style quasi documentaire qui réserve des trésors discrets de vrais grands moments de cinéma.
La direction d'acteurs exploite parfaitement les qualités d'un casting particulièrement incarné : la peur quasi instinctive que véhicule le physique massif de Denis Ménochet, l’ambiguïté sévère du regard fuyant de Léa Drucker, l'angélisme trop parfait du jeune et impressionnant Thomas Gloria ; tout ceci concourt à la tension immédiate et grandissante qu'instaure Jusqu'à la garde (titre au double sens formidable) et à son glissement progressif du registre du drame social réaliste, sec et épuré, à celui du film noir saisissant et spectaculaire.
Déjà récompensé deux fois à Venise, ce premier long métrage intense et incroyablement maîtrisé est la marque âpre et persistante d'un réalisateur qu'il faudra désormais surveiller de près.