La vieille fiction paranoïaque, qui verrait notre réalité quotidienne fondamentalement altérée sans que personne d’autre que nous ne semble s’en soucier, a donné un certain nombre de réussites littéraires (je me souviens d’une nouvelle brillante de Richard Matheson sur ce sujet) ou cinématographiques. Ce vertige de la “disparition” de notre identité qui se dissout dans l’incompréhension et la résistance d’une réalité différente a de quoi générer un trouble puissant – là encore, on peut citer “la Moustache” de Carrère ou “Mulholland Drive” de Lynch -, à condition de ne pas le réduire à néant en la fracassant contre une approche ultra-rationnelle forcément triviale. “K.O” commence plutôt bien, même si le malaise général de l’interprétation d’acteurs visiblement livrés à eux-mêmes empêche l’identification si nécessaire à la jouissance du piège qui se referme : Lafitte est élégant avec sa barbe et ses costards chics, mais il est particulièrement mauvais dans son interprétation d'un personnage tellement monolithique qu'il en devient invraisemblable. Le film de Fabrice Gobert se ridiculise rapidement en accumulant les clichés les plus triviaux sur l'horreur du capitalisme et de la société du spectacle, qui tendent ici au foutage de gueule le plus complet. Et il déraille tragiquement quand il livre à son spectateur - un peu expert en la matière - les clés permettant de résoudre assez tôt "l’énigme". Quand la “révélation” finale a lieu, il y a longtemps que nous avons une longueur d’avance sur cette explication qui est, comme on le craignait, la plus minable et la plus lâche de toutes


(le fameux "c'était seulement un rêve", à peu près au même niveau que l'odieux "ils étaient tous morts" de "Lost")


et que nous nous moquons dans les grandes largeurs de ce qui peut arriver au triste et antipathique héros de “K.O”. Pour couronner le tout, le spectateur pourra aussi se demander la mouche qui a piqué les scénaristes quand ils ont décidé de pomper largement un thème – et des scènes entières – de “Fight Club”. Imaginaient-ils que personne ne s’en apercevrait ? Que leur public est du genre à ne jamais aller au cinéma ? Vivent-ils en fait dans un monde parallèle où l’on peut raconter impunément n’importe quoi ? [Critique écrite en 2017]

EricDebarnot
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le 20 sept. 2017

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Eric BBYoda

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