Réaction à chaud : je reste sur ma faim. (SPOILERS)

Ca commençait bien. Le début du film est vraiment une réussite. Les scènes de la recherche d'Arthur, de sa capture, jusqu'à son arrivée chez le duc d'Aquitaine sont les plus réussies. Les paysages sont magnifiques, c'est beau, c'est fort, c'est bien filmé. Les nouveaux personnages incarnés par Guillaume Gallienne et Clovis Cornillac sont intéressants et bien campés. Dès le début du film on a deux morts. On se dit que ça y est, c'est du sérieux, que l'univers va prendre une ampleur inédite et la pleine mesure de ce nouveau format. D'autant qu'en plus, on garde l'esprit comique de la série avec des dialogues très affutés et des répliques qui font mouche. On a plaisir à retrouver le duc d'Aquitaine et son exquise politesse (ça fait du bien aussi d'avoir au moins un personnage qui ne passe pas son temps à gueuler). Autre nouveau personnage intéressant: le chef saxon incarné par Sting: une bonne idée et une réussite (très cool, mais peut-être trop peu exploité - on ne le voit jamais en action).
Mais après ces premiers moments très intéressants, le film devient bancal et peine à tenir ses promesses.

Les scènes s'enchaînent à toute vitesse avec un montage précipité ; une avalanche de personnages (anciens et nouveaux) apparaissent et disparaissent sans être développés, et le scénario se déroule et s'achève en trois coups de cuillère à pot, à grands coups de répliques cultes (un peu trop appuyées). Les auto références sont en effet parfois un peu lourdes, la palme revenant à la partie de Robobrol, grand moment de gênance du film (et de précieuses minutes stupidement gaspillées) !

L’équilibre entre la comédie et l’aspect épique et dramatique est moyennement réussi (sauf dans la première partie). Les dialogues, point fort du film et de Kaamelott en général, sont bien mis en valeur mais la mise en scène, avec des coupes très serrées, ne parvient pas toujours à s’en détacher, à donner de l’ampleur aux images et à l’histoire. Les quelques flash backs (au demeurant très beaux, dans la même veine visuelle que le début du film) semblent vouloir apporter de la profondeur, mais on ne comprend pas vraiment les enjeux de la trame qu'ils esquissent. Peut-être auront-ils plus de sens à la lueur des films suivants, mais du coup ils plombent la cohérence de celui-ci. Contrairement aux deux dernières saisons et au début du film, où l'humour des dialogues et de certaines situations s'intégrait bien dans une histoire aux enjeux plus profonds et à la couleur dramatique assumée, ici au bout d'un moment, les blagues, les jurons, et les gros clins d'oeil aux fans viennent parfois plomber une histoire qui n'a certes rien d'original mais qui aurait pu être beaucoup plus spectaculaire, grande et belle sans perdre l'humour propre aux personnages.

Les personnages sont trop nombreux pour être développés convenablement: Guillaume Gallienne, Venech, le duc d'Aquitaine disparaissent au beau milieu du film. Des personnages improbables apparaissent : le frère de Perceval (ah bon), le frère de Gauvain (ah bon). Gauvain qui disparaît lui aussi du film après 5 minutes. Les autres nouveaux personnages (enfants de Karadoc et jeunes recrues de la "résistance") ne sont guère intéressants et moyennement convainquants. Les sept enfants d'Alexandre Astier apparaissent tous les deux ou trois plans, ce qui, quand on s’en aperçoit, est un peu lourd, à part pour son fils qui tient très bien son rôle d'Arthur jeune (rôle qui a de ce fait un vrai intérêt) dans les flashbacks.
Grosse déception pour Lancelot : outre son costume absolument grotesque, le personnage est falot et semble au bout du roulot. C’est sans doute voulu (il n’a pas l’air très respecté de ses propres subordonnés), ce qui aurait pu être intéressant en soit, mais n'est absolument pas développé ni expliqué. A aucun moment la menace que fait peser Lancelot, ses sbires et les saxons n'est véritablement crédible. Ce qui donne au film un enjeu bien dérisoire pour nos héros, d'ailleurs très rapidement expédié: Aussitôt fait prisonniers, aussitôt libérés, tout comme Guenièvre, qui a même le temps d'aller rechercher sa couronne de fleur dans sa geôle ; trois cailloux et quatre coups d'épées plus tard, Lancelot et sa forteresse sont à terre.
Le personnage d'Arthur, toujours un peu dépressif sur les bords, n'est pas énormément approfondi non plus en fin de compte. On a du mal à comprendre ses changements d'avis. Un coup il ne veut pas revenir, puis finalement oui, puis il fait quand même mine de se suicider à la fin. Ah, bon. Et comme je l’ai déjà évoqué, les flashs back un peu abscons ne nous aident pas vraiment à comprendre quoi que ce soit.

Autre gros point noir (selon moi) du film : les costumes. Je n'ai pas été du tout sensible à leur aspect burlesque et grandiloquent. La palme revient à Lancelot, mi-lézard, mi-endive et aux Burgondes en tenue de cirque. Notez aussi le père Blaise, (que l’on avait quitté en fuite à la saison VI et qui se retrouve, on ne sait comment, du côté de Lancelot) qui a troqué sa bure et sa croix de prêtre contre une toge et un pendentif en triangle de gourou de parodie. Vraiment dommage car cela enlève toute la crédibilité du film. C'était ce qui faisait la grande qualité de la série: des costumes réalistes, sobres, impeccables, qui contribuaient à donner de la profondeur à l'univers et aux répliques, qui dans un décor carton pâte, selon les dires d'Astier lui-même, n'auraient jamais eu la même force.

La force de Kaamelott, c'est que les dialogues et le jeu d'acteur qui fondent les ressorts comiques de la série sont servis dans un écrin réaliste et crédible de costumes "d'époque" et de décors soignés. Or avec ce premier volet, après la prometteuse introduction, on se retrouve avec une forteresse de Kaamelott en images de synthèses (les effets spéciaux sont globalement ratés dans le film) qui s'effondre sous quatre coups de trébuchets tirés par 20 polichinelles parce qu'on leur joue du tambour. Tout est dit, hélas!
On passe d'un film d'aventure prometteur à une espèce d'Asterix médiéval pour enfant de 8 ans. Les scènes du siège et du combat tombent complètement à plat. On est loin de l’épique attendu.

Malgré deux heures de film (le fan que je suis n’a pas vu le temps passer), on reste avec un fort goût d'inachevé, ce qui pourrait paraître normal pour le premier volet d’une trilogie, mais ce premier film raconte malgré tout une histoire à part entière (la recherche d’Arthur, le retour d’Arthur, et la chute de Lancelot) qui paraît un peu bâclée quand même et qui empêche de faire de ce premier volet un objet cinématographique totalement accompli. Je ne sais pas si c’est prévu mais j’aimerais bien qu’une version longue vienne atténuer ce sentiment. Quoi qu’il en soit, je reste très impatient de connaître la suite, et de plonger dans la grande aventure que, personnellement, j'attends encore !

En résumé:
Les plus:
- On est heureux de retrouver les personnages et l’esprit de Kaamelott après tout ce temps.
- Toujours autant de talent dans l’écriture des dialogues qui font mouche tout au long du film. On rit à plusieurs reprises.
- Très belle introduction. Les scènes "exotiques" et les flashs back sont beaucoup plus puissantes, crédibles et mieux filmées.
- La musique est remarquable.
- Magnifiques Guillaume Gallienne, Clovis Cornillac et Sting.

Les moins:
- Certains effets visuels, certaines lumières ne sont pas top.
- Le grotesque de certains costumes fait perdre au film sa crédibilité.
- Personnages pas assez développés, surtout pour Lancelot et Arthur (quelques flash backs dont on ne comprend pas le lien avec l’histoire)
- Montage précipité, peu de respirations.
- Histoire un peu bâclée.
- Humour parfois mal dosé.