Bon ok le titre c'est pour l'effet de style, surtout qu'il est important je pense d'apporter un peu de nuance (j'ai malheureusement vu beaucoup de mauvaise foi).

Des autres critiques que j'ai lues, on semble assez d'accord pour dire qu'au final ce bon jeune Inox n'est pas le réel problème, ou en tout cas pas le seul. Certes il n'a pas l'air d'être un fin analyste ou philosophe et ne pousse pas très loin sa réflexion, mais qui suis-je pour en juger (d'ailleurs ceux qui le font en critiquant sa manière de parler, désolé les gars mais un langage ne vaut pas mieux qu'un autre et on est certainement pas plus débile en utilisant "wesh", "genre" ou "frérot" toute les deux secondes). Ça n'a pas l'air d'être un mauvais bougre non plus et, si l'on met de coté son évident manque de remise en question dans ce docu et son besoin un peu excessif de se prouver, on peut lui reconnaître sa bonne énergie, son envie de bien faire et son soucis des autres.

Cela expédié (et c'était important de le faire pour la suite de la critique), parlons du film, j'espère sans prétention de ma part.


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Commençons par la forme. Ce n'est pas vraiment le problème principal du docu, même s'il y a déjà des points à aborder assez indigestes (ce qui aurait dû être montré, et donc aussi comment, on le verra plutôt sur la partie fond).


Déjà abordons l'évident : oui, les images sont pour la plupart superbes. C'est toujours agréable de voir de l'alpi bien filmée et même lors des moments loin du caillou Basile Monnot se prête au jeu et nous sort des images bien cadrées et plutôt jolies (certains color-grading apparaissent parfois un peu douteux, mais c'est chipoter). Et non, ce n'est pas du tout donné à tout les documentaires, même de ce gabarit et on sait très bien que l'argent n'achète pas forcément les compétences et la qualité.


En revanche, il y a un autre éléphant dans la pièce : la longueur. Premier signe évident d'une ambition (et mégalomanie ?) excessive. Même pour les plus grands exploits du milieu, on dépasse rarement l'heure et demie. Alors pourquoi ? Finalement, si on réfléchis bien ce choix est logique : Inoxtag veut nous montrer son ascension comme un vrai film d'aventure. Nous avons droit à tout un périple digne du parcours du héro (partir d'une situation peu avantageuse, exposer son rêve, rencontrer son mentor et suivre l'initiation difficile, ect ect) qui forcément peut en effet demander plus de temps pour être bien raconté. Et bon dieu que notre cher Inox tenait à étaler le contexte, appuyer sur la difficulté de son entrainement et montrer que s'il le fait, c'est pour en sortir plus grand. Alors c'est expansif, égocentrique, mais c'est bien construit et ça se laisse tout à fait regarder si le style du récit vous plaît.


He bien venons-en, au style. Là ça commence à piquer. Je ne dirais pas qu'on en tombe de l'Everest, mais c'est parfois assez affligeant d'immaturité et de mauvais goût. Il n'est pas toujours pertinent de s'arrêter sur la mentalité et la posture du sujet d'un film documentaire (Alex Honnold a beau me fatiguer dès qu'il se met à placarder ses opinions douteuses, j'ai adoré Free Solo), mais en l'occurrence ici tout le documentaire en pâti. Alors, qu'est-ce que ce mauvais goût, et qu'est-ce que le mauvais goût en général me diriez-vous ? Pour moi, ouvrir son film avec une séquence en 3D bien kitsch qui suit l'envol d'un rapace, accompagné d'une musique electro/dubstep à la cyberpunk 2077, pour finir sur un ralenti "épique" de l'aigle, serres ouvertes, à la Royaume de Ga'hoole... c'est dur de faire plus de mauvais goût. Je pense aussi bien sûr aux montages frénétiques du jeune héro qui se dépasse, enchaînant les efforts physiques, avec mouvement de caméra, couleurs et lumières bien dramatiques... digne des meilleures pub de shaker de Whey. Sauf qu'on est dans un docu d'alpi, là.

Globalement, on retrouve régulièrement ce genre de mise en scène épico-dramatique, ça peut marcher en fonction du moment (quand il arrive au sommet, c'est fort à propos) mais le plus souvent ça insupporte.


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Mais j'aimerais ne pas pondre un roman tout autant indigeste, alors venons-en maintenant au fond. Je vais essayer de ne pas trop répéter ce qui a déjà été dit dans les critiques constructives, mais je pense qu'il faut tout de même revenir sur certains points.


Premièrement, l'identité même du docu et son contexte : bien-sûr, il en ressort un paradoxe fondamental inévitable, compte-tenu du message qui veut tout de même être donné. On a affaire à un Inoxtag qui s'efforce de répéter que s'il est ici, c'est grâce aux autres, qu'il sait être un privilégié. Il dit que son but n'est pas de se dépasser pour être meilleur qu'un autre mais pour lui-même et être une meilleure personne. Il insiste sur la bulle addictive qu'instaure réseaux sociaux, youtube, écrans et compagnie et qu'il faut se bouger le cu-cul pour aller voir le monde et sa richesse au risque de se zom-zombifier. Tout ça, même si c'est dit et peint avec une chaussure de chantier, c'est bien. C'est important qu'un youtubeur de son envergure prenne la peine de s'attarder sur ces sujets, par ailleurs pas facile à décortiquer.

Malheureusement mon cher Inoxtag, ton documentaire n'est qu'un immense désamorçage de tout ce qu'on vient d'énumérer plus haut. "Ce n'est pas toi mais ton équipage", pourtant on a rarement vu un documentaire autant centré sur une seule personne, mettant autant en avant ses seules difficultés. "Tu sais que t'es privilégié", pourtant on ne s'en rend pas compte une seule seconde dans ton docu, ce n'est jamais mis en perspective. "Je fais ça pour me dépasser, pour réaliser mon rêve", un rêve peu universel qu'on nous présente ici, boosté aux centaines de milliers d'euro, destructeur pour l'environnement (à n'en point douter), faisant sûrement baver ses followers qui ne pourront jamais (et tant mieux) réaliser la même chose. "Les écrans, ça t'aliène", ok, partir en rando et en alpi ça te déconnecte, mais c'est passager et poser son téléphone 3 semaines ce n'est que laisser le problème derrière soi, pas travailler dessus.

En revanche sur ce point je ne ferait pas l'affront assez basique de dire "bah tu le publies où ton docu ? ah bah sur les écrans !" : bah oui, et alors ? Tout les documentaires sur l'addiction aux Réseaux S. et au digital en général devraient être retranscris en BD ? C'est comme le téléphone d'inox, ne pas s'en servir du tout c'est juste être anti-système, ce qui ne permet jamais de travailler sur le système et de le changer, juste de s'en sortir individuellement... pas très productif dans notre cas. De la même manière, si le fait d'être youtubeur te disqualifiait automatiquement pour discuter sérieusement de ces problèmes, on irait pas bien loin. Sa position est bien au contraire parfaite pour évoquer cette dépendance, qui est en plus très générationnelle (je vais pas vous apprendre que la fracture générationnelle c'est aussi beaucoup sur la communication, il est donc d'autant plus important que la discussions se fasse de manière intra-générationnelle). Maintenant, ça ne veut pas dire qu'il le fait bien...


Ensuite, ce qui aurait dû être montré et comment, considérant ce contexte et ce qu'il voulait transmettre : que ce soit faire preuve de plus de réflexion et de remise en question personnelle, montrer les coulisses d'une production youtube de millionaire et les enjeux d'un tel privilège, l'écologie de la montagne, le social et répercussions sur les populations... il y en avait, des choses à montrer. Sur 2h30, 1h sur ces sujets là et on voyait quand même une bonne heure et demie d'Inoxtag en galère.

On aurait pu, par exemple, lors du retour d'inoxtag à sa vie de youtubeur après avoir monté sa première (très) grosse montagne, avoir un zoom sur les tenants et aboutissants d'un tel projet, sur toute l'équipe et les enjeux, sur le budget monstrueux et les nombreuses collaborations et, soyons fous, aborder le fait que ce genre de "documentaires" montrent finalement surtout une prouesse très lourde économiquement. Il aurait pu élaborer sur le pourquoi, pourquoi avoir choisi l'Everest en étant pertinemment au fait des problématiques actuelles entourant son ascension. Lors des diverses ascensions, on aurait pu avoir des inserts plus évidents sur le matériel, le travail d'équipe, l'importance de Mathis et des sherpas (c'est bien de le dire - car il le dit beaucoup et c'est tout à son honneur - c'est bien mieux de le montrer). Arrivé au Népal et plus tard sur l'Everest, mettre en avant le cadre de vie dans les villages, les camps, l'impact des expéditions (et du changement climatique ?) plus que le danger. Bref, vous avez compris...

Forcément, le message qui en sort finalement de tout ça, c'est l'inverse de ce qu'il a voulu dire.


Car oui, et ce sera mon dernier point : Inoxtag aurait pu faire tellement mieux. C'est un véritable coup manqué.

Après avoir vu Kaizen, je me suis intéressé à la personne. J'ai regardé quelques-unes de ses vidéos d'avant et j'ai pris le temps d'écouter son point de vue dans les différentes interviews qu'il a donné pour la sortie (notamment celle de Clique, que j'ai trouvé la plus éclairante sur sa personne et sa pensée). Et il faut admettre qu'en fait, Inoxtag, c'est un gamin plein de bonne volonté, et pas du tout si con. Ce qui frappe en premier, c'est qu'il ne rechigne jamais à répondre, quelque soit la question, et prend le temps de réfléchir avant de dire ce qu'il pense. Il est ouvert d'esprit, essaye de comprendre, et s'il cherche bien sûr le buzz comme tout youtubinfluenceur de 22 ans, s'il est le "pur produit de sa génération" très centré sur soi, il en a totalement conscience et répète sans cesse qu'il veut travailler là dessus. Toujours dans sa démarche de dépassement de soi, quoiqu'il arrive. Bien que je soit assez hermétique à ce genre d'état d'esprit - qui peuvent, selon moi, vite devenir toxiques - on peut en tirer la chose suivante : il semble écouter les gens, accepter les critiques, et veut en tirer le meilleur. Sachant cela, et même malgré toute ces maladresses dans ce documentaire suintant, Inox en tirera des leçon et ne pourra que faire mieux. Que peut-on demander de plus ?

J'aimerais pour terminer adresser une réponse à ceux qui crient à la fraude quand il présente son ascension comme un exploit, et qui insultent son irrespect de la pratique et son jusqu'au-boutisme. Pour l'exploit en lui-même, qu'il a TOUJOURS présenté comme personnel, qui sommes-nous pour juger ce qu'il considère comme un dépassement de lui-même, comme une tâche extrêmement difficile et complexe ? Qu'est-ce que ça change qu'une enfant de 14 ans et un vieil homme de 83 ans aient pu gravir l'Everest ? Si moi j'ai du mal à faire 200km en vélo en 3 jours alors que je suis jeune, le fait que n'importe quel papy cycliste puisse le faire diminue mon exploit ? Bah non. C'est un exploit pour lui, par pour le monde de l'alpinisme. Le problème, c'est pas du tout la nature de son exploit ni sa difficulté, c'est son contexte. Et puis bon s'il fallait vraiment en débattre, allez donc grimper 3484,86m de dénivelé en 3 jours à 5000+ d'altitude, avec un millions d'euro ou non c'est évidemment dangereux et très éprouvant. C'est d'ailleurs bien le but.

Pour ce qui est des critiques sur sa mentalité, certes il ne brille pas par sa mesure et sa capacité à rester discret, mais heu on est sûr qu'on parle d'alpinisme, là ? Car de ce que j'ai vu, lu et écouté sur l'alpinisme, c'est historiquement l'essence même du jusqu'au-boutisme et de l'égocentrisme. Doublé parfois d'une mentalité assez nauséabonde, très consommatrice, dans l'altérité et le manque d'empathie. Disant cela je ne veux pas faire de généralité absolue, je parle surtout de l'historique de compétition et d'antagonisme du milieu, très porté sur le soi-même, très peu sur le reste. Des alpinistes qui pensent avant tout aux autres et à la montagne avant de penser à son propre exploit, je suis certain que c'est la majorité (silencieuse).


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Tout cela pour dire que finalement, ce documentaire est raté et très frustrant. Raté, car c'est un produit de consommation illustrant un rêve égocentrique alors qu'il avait je pense un tout autre but; très frustrant, car connaissant Inoxtag et son équipe, cela aurait pu être un film beaucoup plus intéressant, questionnant les travers d'un mode de vie, réfléchissant sur les paradoxes qui nous habitent, exposant les problématiques environnementales et sociales (car ça va toujours avec) à une jeunesse optimiste qui refuserait de répéter les erreurs du passé et qui veut grandir. Au lieu de ça, on a très beau film d'aventure boosté aux hormones adulescentes (et aux placements de produit) d'un jeune nouveau riche en quête de grandeur.

Pas forcément le plus pertinent à regarder, surtout pour le public visé.

Sybed
5
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le 19 sept. 2024

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