Il n'y a pas longtemps, dans un billet, je me disais que la planète cinéma ne tournait plus très rond dès lors que l'actualité la plus brulante consistait à s'écharper, dans des débats stériles, sur le fait qu'un youtubeur s'était fixé comme projet de gravir l'Everest. Et s'était bien sûr filmé dans son périple.
La planète cinéma ne tournait pas plus rond dans la mesure où Sens Critique ne faisait que mettre en avant des critiques plus que meurtrières de Kaizen, motivées plus par l'idée de se faire une pseudo icône du web à peu de frais et l'étalage d'une jalousie assez malsaine travestie en billets cathartiques, que de parler réellement de cinéma.
La lecture de quelques unes d'entre elle est riche d'enseignements. Pas tant sur Inoxtag lui-même, mais bien plus sur certains de ses détracteurs les plus ardents, plaquant leurs obsessions dérisoires de petit fasciste politico-économique sur leurs diatribes confites dans le vomi et la bile âcre de leur détestation sans limite qui peut légitimement poser question.
Un tel déferlement de haine gratuite a titillé la curiosité du masqué, qui est allé sur Youtube pour voir de quoi il retournait, et surtout faire la connaissance de ce nouveau grand Satan que semblait être devenu Inoxtag. Pas sûr que cela eut été le but de tous les anti, qui ont toujours un peu de mal à comprendre, sans doute, que leurs minuscules passions tristes démultipliées par l'écho numérique de leurs vociférations, in fine, font elles aussi la promo, à leur corps défendant, de la figure de proue qu'ils veulent à tout prix dézinguer.
C'est cela qui devrait les révulser : que leur propre bêtise puisse servir la cause adverse.
Et le pire, c'est que cet acharnement rendrait presque Inoxtag sympathique.
J'ai dit presque.
Car il y a pas mal de choses à redire s'agissant de Kaizen.
Parce qu'il y a d'abord, peut être, un peu de vrai quand certains disent que c'est le film que la nouvelle génération mérite.
Parce que le masqué a été sidéré dès les premières minutes de l'entreprise, devant ce gosse qui n'est jamais sans doute sorti de sa ville avant la création de son empire Youtube, dès lors qu'il parle de lui comme d'un grand consommateur de manga et qu'il présente immédiatement après, comme seul horizon de montagne à ses yeux, qu'un immonde amas carré de pixels tout droit tiré de Minecraft... Quelle tristesse, surtout quand on pense qu'il va immanquablement dégainer à ce moment précis une œuvre comme Le Sommet des Dieux pour valider son propos.
C'est dire si le plancher nuageux est bas.
Tout comme Inoxtag avoue sans gêne s'être gouré d'image pour illustrer le teaser de son aventure et qui ne représente finalement pas l'Everest alors qu'il entretient le désir de le gravir... Cela donne une certaine idée de son niveau d'investissement ardent dans ce qu'il qualifie pourtant de fascination.
Cette forme de candeur pourrait susciter quelque bienveillance envers le bonhomme si son aventure ne dérivait quasi constamment vers quelque chose de dérisoire, ce qui constitue quand même un sacré exploit si l'on considère un peu la difficulté du défi qu'il s'est imposé.
Un défi qui semble peu à peu occulté, affadi par certaines considérations du garçon, qui s'inquiète par exemple que le temps passé à son entraînement nuise à son exposition sur Youtube et qu'il doive diviser par deux le nombre de vidéos qu'il y poste.
Un défi qui semble peu à peu banalisé par toutes ces fausses réflexions profondes sur le dépassement de soi, déclamées avec emphase mais que l'on jurerait sorties de n'importe quel bouquin de développement personnel stéréotypé.
Et puis, il y a toutes ses scènes parfois à côté de la plaque, empruntant tantôt à l'imagerie de certaines pub Nike has been des années 90, tantôt aux présentations des sommets auxquels le youtubeur s'attaque comme dans n'importe quel SSX.
Mais le pire, c'est sans doute que Inoxtag réussisse à dissiper son exploit dans un ennui des plus assommants passée la première heure de son effort, de presque deux heures trente sur la plate-forme de streaming. Je n'ose imaginer l'impression laissée en sortie de salle par le montage de deux heures quarante, qui aurait sans doute fait souffrir le masqué un peu plus encore.
Car en l'état, Kaizen ressemble moins à un film qu'à un premier montage sans recul quant au rythme adopté ou sur ce que l'on veut réellement raconter. Un bout à bout de ce que l'on a tourné, nécessitant des coupes très franches pour créer une atmosphère, voire une dramaturgie, un sentiment de frisson ou encore capturer toute la sérénité malmenée de l'Everest.
Car en l'état, Inoxtag échoue à donner une quelconque force à certaines de ses réflexions, pourtant louables, sur la pollution du site, sa lente destruction ou encore le travail de l'ombre et ingrat des sherpas, auxquels il essaie pourtant de rendre maladroitement hommage. En effet, ses bonnes intentions sont noyées par tant d'anecdotes dérisoires, de scènes crétines qui n'auraient jamais dû même atteindre la salle de montage, ou encore de séquences où il est loin d'être à son avantage, comme à l'occasion d'une pseudo crise de panique en plein embouteillage surréaliste dans ce décor.
Si Inoxtag peut réaliser ses rêves, grand bien lui fasse après tout. Le brocarder pour cela, en dégainant l'éternelle rhétorique touffue mais vide de la marionnette du grand capital et du macronisme, en crachant sa haine de ce qu'il représenterait, ne relève pas de la critique mais d'une minable aigreur gastrique de classe qui nécessiterait une consultation chez un généraliste.
Si Kaizen reste discutable sur nombre de ses aspects, sans pour autant critiquer de manière aussi honteuse et assassine sa figure de proue, n'a-t-on un peu oublié, à l'ombre de ces petites haines fort médiocres, de parler tout simplement de cinéma ?
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