On se jalouse, on se déteste et on s’entretue. La figure du sociopathe froid, et par extension du psychopathe, n’a jamais eu autant le vent en poupe – anti-héros romanesque préféré des esprits les plus malsains, défouloir grinçant pour les fatigués du monomythe, il s’empare désormais du centre de l’affiche de vos films, séries et livres préférés. De Dexter à House of Cards, en passant par Death Note et American Psycho, la figure subversive du meurtrier propre sur lui pourrait parfois tendre à la fascination morbide – mais son succès ne s’est toujours pas démenti.
Ses influences, Kill Your Friends ne se les cache pas. Il y a la narration méta-diégétique de Frank Underwood, la désinvolture pédante de Gregory House et l’ambition froide de Lou Bloom – dans cet univers satirique qui rappelle étrangement 99 Francs, Owen Harris se gausse de l’industrie musicale, il décrit la prétention comme l’apanage de la faiblesse et traite finalement du mal-être social capitaliste. Peu courageux dans sa subversion mais jouissif dans son exécution, son nouveau long-métrage n’est fondamentalement pas là pour juger quoi que ce soit. Harris n’en a que faire de l’empreinte engagée qui donne à son film une raison d’être, ce qu’il veut réellement, c’est s’amuser.
S’amuser de la mort, de l’hypocrisie et de l’image publique ; le marketing est une farce, tout n’est que façade, et le meurtre la réponse fataliste pour se libérer de ce carcan de menteurs, d’imposteurs et d’arrivistes. Kill Your Friends est une overdose, un délire d’adolescent en crise, le doigt d’honneur d’un mauvais garçon. On connaît ces codes, on les aime comme on les déteste – sans jamais les transgresser, Harris s’en nourrit, les recrachant intacts et sans talent, mais honnêtes et sans détour.
Kill Your Friends est au film de psychopathe ce que La Ligne Verte est au tire-larme. On est venu pleinement consentant et en connaissance de cause ; que le spectacle soit aussi médiocrement plaisant qu’on nous l’avait annoncé, ce n’est donc pas vraiment une surprise. La transcendance c’est seulement pour les grands cinéastes. C’est pourtant dans ce téléfilm de luxe que le trop sous-estimé Nicholas Hoult excelle – et à défaut de faire de ce nouveau rôle un pilier de sa carrière, on ne peut lui souhaiter qu’un avenir radieux.