Killers of the Flower Moon est certainement un des grands films de Scorsese, et l'une des meilleures performances de Di Caprio. C'est tout de même assez jouissif de voir des monuments du cinéma rester au sommet de leur art.
Car oui, ce film est une œuvre d'art à part entière. Déjà, le scénario, emprunté au livre du même titre de David Grann, est prenant de A à Z, malgré quelques longueurs qui peuplent les plus de 3 heures de film (et c'est bien son défaut principal). Il rend hommage à une période souvent caricaturée par la Prohibition, les années 1920, et à un sujet bien trop éludé par le cinéma américain, le racisme contre les peuples amérindiens. Rien que pour cet angle de vue, le film vaut le détour.
Ensuite, il y a la performance de Di Caprio. Tout le film tourne autour de l'ambiguïté de son personnage : est-il un simple d'esprit manipulé par son oncle ? Ne se doute-t-il vraiment pas qu'il tue sa femme à petites doses ? Il vogue tellement entre loyauté terrifiée envers sa famille d'origine et pur amour envers la famille qu'il construit, entre petit gangster de province et honnête père de famille, que l'histoire ne tient qu'à son fil. Le jeu de Di Caprio est si fin qu'on ne perçoit même pas la difficulté de jouer un tel personnage, tantôt impitoyable, tantôt tendre, tant et si bien qu'il se perd bien davantage lui-même que le spectateur. Après Gilbert Grape, après Le Loup de Wall Street, après Once upon a time in Holywood, c'est un des plus grands rôles de Di Caprio.
Enfin, il y a l'esthétique. Le film est littéralement beau, et de ce point de vue, c'est sans doute le plus réussi de la filmographie de Scorsese. Il tourne autour d'un contraste coloré entre deux mondes étrangers qui n'auraient jamais du s'allier : le monde du pétrole, brunâtre et sombre, qui sont aussi les couleurs des Blancs ; le monde des peuples indiens, bariolé de couleurs chaudes et virevoltantes, dont le faste rappelle les derniers films d'Akira Kurosawa. Il est impossible de ne pas voir dans la dernière scène, une danse funèbre à l'allure géométrique, une référence à Rêves, auquel Scorsese lui-même a participé... en tant qu'acteur.