L'avènement du capitalisme ultra libéral américain revisite par Scorsesse lui permet d'aborder les fondations segregationistes de sa terre natale envers l'un de ses premiers peuples. Sans remonter jusqu'à John Ford ou Raoul Walsh (et bien d'autres), on peut y voir une filiation plus ou moins implicite avec un autre cinéaste US s'étant beaucoup intéressé également à l'idéologie messianique de la nation étoilée.
La structure narrative, le caractère des personnages ainsi que le lyrisme de la mise en scène rappellent alors fortement Paul Thomas Anderson dans le mythique/mystique There Will Be Blood. Le pétrole comme or noir qui tend à financiariser des terres/paysages originels, des prédicateurs prétextant lutter contre le pêché pour mieux vicier de l'intérieur de pauvres ères doutant de leur fois, des peuples expropries/exterminés par pure hypocrisie et appat du gain, la bestialité sous jacente d'hommes d'affaires bien sous tous rapports en cols blancs. On pourrait ainsi égrèner la liste des convergences entre les deux films, et il n'est sans doute pas anodin que l'un et l'autre soient très proches.
Mais l'Italo Américain semble (un peu) échouer la ou son contemporain tracait une perspective globale plus ample. D'abord par le truchement d'un scénario parsemé de trop d'incohérences qui ne permettent pas de s'identifier pleinement à la quête de ces anti héros. Ensuite par une forme de connivence avec le spectateur qui souhaiterais lui indiquer ce qu'il peut/doit adouber dans l'évolution des rapports entre les membres de la communauté, et par la même évider la nature éminemment retorse/archaïque de ce "génocide" établi par les pionniers avec la sournoise complète de L'Etat Fédéral. Dans un autre registre L'Oppenheimer de Nolan partageait déjà cette ambiguïté de la responsabilité pénale envers des ennemis/opposants idéologiques indistincts. Peut-on y déceler une aporie du cinéma d'auteur Étasuniens actuel à frayer avec une complexité dont elle ne sait quoi faire de peur de froisser son public? Difficile d'affirmer une réponse ferme et définitive, mais quelques indices clairsemés peuvent y laisser penser.
Au crédit de la Fleur de lune cependant une volonté évidente de narrer la genèse de l'empire à la bannière aux nouvelles générations et aux plus anciennes un devoir de mémoire à l'heure ou la communauté noire n'est pas épargnée par ses vicissitudes (la encore une réminiscence du racisme d'état d'une époque pas si révolue).
Également des cadres d'une belle puissance élégiaque qui ne sont pas sans rappeler l'onirisme Malickien (cf son magnifique Pocahantas qui pourrait possiblement être une autre source d'inspiration envers les Indiens D'Amérique, avec une tragédie plus ou moins similaire).
Enfin la confirmation d'une Lily Gladstone impériale dans la peau d'une femme bafouée par son cupide et cynique mari, bien qu'elle soit trop rapidement reléguée à l'arrière plan. Elle était déjà formidable chez Reitchard, elle pourrait devenir incontournable à l'avenir. Une petite mention spéciale aussi à l'agent du FBI qui permet au récit de reprendre des couleurs lors de son surgissement, alors que l'enlisement faisait poindre son bout du nez. Pas beaucoup de temps d'écran, mais un certain charisme émane du personnage malgré tout. Les figurants Ossage sont trop limités dans leurs expressions, assez étonnant pour un tel sujet, et le duo de stars fait le job sans éclats particuliers.