Il est rassurant de voir à nouveau un film de Martin Scorsese dans une salle de cinéma. Surtout quand on se souvient que Silence date déjà de l'année 2016.
Il est rassurant de voir que Martin Scorsese réaffirme son goût immodéré pour la fresque démiurge, initiée dès 1990 avec Les Affranchis.
Avec Killers of the Flower Moon, le spectateur est en terrain connu, avec la description d'un monde pourri de l'intérieur, prenant la forme d'un pays tout entier plongé dans les ténèbres de son capitalisme sauvage et avide.
Avec, aussi, ce parrain qui accueille son neveu de retour de la guerre pour en faire un homme de main, histoire de s'assurer que l'argent noir coule dans la bonne direction. Soit, encore une fois, le péché originel états-unien.
Le film se goûte au début de sa narration comme une oeuvre mosaïque oscillant entre le faux western, l'histoire vraie, le thriller, la romance contrariée, avant de lentement se muer en une forme de grande tragédie venant conclure dans le sang les guerres menées contre les indiens.
Scorsese revient ainsi à son propos de Gangs of New York, mâtiné de l'odeur de ses films de mafia fétiches, en décadrant peu à peu sa caméra pour la tourner vers Leonardo, sa deuxième muse, et porter l'attention de son public sur son dilemme moral. Un dilemme étreignant un homme faible, falot, tout aussi manipulé qu'intéressé. Soit un autre monstre américain dérisoire animé des sombres démons du capitalisme méphitique qui le dépassent.
A travers ces champs pétrolifères d'un petit bout d'Oklahoma, se chante tout simplement à l'écran une véritable marche funèbre qui en dit long sur ce que pense le réalisateur de son époque.
Un film de Martin Scorsese est sans nul doute un gage de qualité, s'imposant au delà de certaines de ses déclarations un poil hautaines et baignées de manichéisme sur un média dont il perd de vue les origines profondes. Killers of the Flower Moon est sans doute possible un film d'une extrême qualité, fluide, incarné et puissant dans son propos, magnifique dans la qualité de la reconstitution de son époque pas si révolue.
Mais si beaucoup parleront de chef-d'oeuvre hypnotique à diffusion lente et à la puissance sourde pour vous convaincre de vous ruer en salle, le masqué tempèrera quelque peu cet enthousiasme pour avertir que derrière cette affirmation, il a trouvé quant à lui un ventre mou, représentée par le lent dépérissement de l'un des personnages clé du film dans son dernier tiers. Dans une méthode qui tranche nettement avec la manière expéditive, filmée avec maestria par Marty, déployée par un parrain local pour se débarrasser de ceux qui se dresse devant ses objectifs d'appropriation.
Un défaut renouant avec ce que le masqué avait déjà éprouvé devant Le Loup de Wall Street, et pourtant totalement absent de Casino ou de Silence.
Il sera aussi permis de ne goûter qu'à moitié les derniers instants du film, bien trop transparents, voire lourdingues, comme si Marty doutait de la compréhension de son propos par son public.
Et si, pour le masqué, Killers of the Flower Moon n'est peut être pas, finalement, le chef-d'oeuvre annoncé, il reste cependant une très belle proposition de cinéma.
Behind_the_Mask, qui n'a pas de pétrole... Mais qui n'a pas d'idées non plus.