J'ai tant d'admiration envers le style innovant de Martin Scorsese dans ses premiers films jusqu’au milieu des années 1990, que je peux lui pardonner cet écart avec son dernier opus aux accents crépusculaires ! Crépusculaire, par ce que j'ai senti tout au long du film une réelle fatigue d'entreprendre, d'innover en choisissant une fois de plus Léonardo Di Caprio et Robert De Niro, de s'en remettre à un producteur comme Apple qui ne sait faire que des faux semblants de films avec des méthodes spécifiques liées aux "séries" et d'avoir abandonné sa caméra bouillonnante, virevoltante, au profit d'une caméra à stabilisateur ! Il reste quand même la beauté d'un vrai cinémascope et une mise en scène aux décors réalistes et assez sobres, ce parti pris me semble très judicieux d’ailleurs et aurait même supporté un choix plus extrême du style "Dogville" de Lars Von Trier par exemple pour y montrer l’innommable. Mais il faut faire avec ce qu'il nous livre dans ce film fleuve et c'est là que le compte n'y est pas. J'ai patienté la première heure en imaginant que le stupide Ernest (L. Di Caprio) sortirait du lot de ces assassins du peuple « Osage » suite à son mariage avec l’une d’entre elles et qu’il épouserait en cela leur art de vivre mais c’était sans compter avec la cupidité de ces américains capitalistes de quatrième génération. Dés lors, le destin du film et celui de ces indiens riches du pétrole qui leur appartenait, ne pouvait qu’entraîner une narration sombre et ennuyeuse pour cette triste affaire en terres indiennes. La colère est retenue, tout le ressenti de ces familles massacrées est étouffé lors des cérémonies de deuil, à l’image de ce pétrole qui avant de jaillir en surface émet un bruit sous-terrain en faisant vibrer le sol mais là point de giclée. Est-ce ainsi que l’histoire a été vécue, ces indiens ont-ils évité toute vengeance immédiate car la répression d’une justice au service des puissants aurait été impitoyable ; eux qui se doutaient bien que derrière ces disparitions il y avait un plan machiavélique ?
L’écriture du scénario avec Eric Roth n’a pas suffisamment ancré la trame du film d’un point de vue extérieur aux salopards de ce récit, un certain Tony Hillerman malheureusement disparu en 2008 aurait sans doute trouvé cette porte d’entrée pour décrire le microcosme spécifique aux indiens « Osage ». En dehors de ces suppositions qui n’ont pas lieu d’être je le conçois, le film appartient à celui qui l’a imaginé, il m’est un peu difficile d’admettre que tant d’attente envers un réalisateur plutôt indépendant dans son style et ses rapports avec la production de ses œuvres ; doive se laisser diriger vers une fin de carrière qui ne lui ressemble plus.
Bonne mention par contre à la petite scénette de fin qui place Martin Scorsese en conteur radiophonique pour nous livrer le dénouement de cette histoire, ces émissions de radio qui ponctuaient la vie familiale des foyers américains dans les fifties ! Belle idée réconciliatrice pour ceux qui comme moi attendront encore un prochain miracle à la Martin.