En matière d’art, c’était un terrain facile pour que les Soviétiques ripostent… froidement. Avec Kin-Dza-Dza, ils s’attaquent à la science-fiction absurde, une exploration des grands terrains vagues de la Russie au goût d’inattendu, et pour cause : c’est Solaris Unchained, une débâcle joyeuse de voyages spatiaux grinçants et percussifs où l’on voyage de point en point comme on relierait les étoiles d’une constellation, avec aussi peu de carburant scénaristique que possible : il ne faudra pas chercher la raison au-delà de ce qui nous motive à visionner jusqu’à la séquence suivante.
Mais couci comme ça, comme les vaisseaux tout à fait anti-aérodynamiques élevant leur grâce de boîte de conserve dans des atmosphères extraterrestres, on finit par tout voir et se dire que c’est excellent, malgré la perte de vitesse dans les sous-sols rappelant Brazil et quelque cité-puits jodorowskyesque, et malgré l’apathie émotionnelle slave si difficile à percer.
Il est bon de voir un personnage russe rendu carrément obtus par sa fermeture d’esprit, un manque de pragmatisme tel qu’on se demande s’il ne s’agit pas d’une critique sociétale à proprement dit. Confronté au ridicule de coutumes rendues drôles pour le spectateur, le personnage de Stanislav Lyubshin ne sait faire montre de rien que d’intolérance, ce qui le rend ridicule, lui. Cela participe au loufoque ambiant qui lève initialement notre sourcil et nos doutes, et qu’on perd dans la seconde partie.
Trésor de la science-fiction simple où les effets très spéciaux valent largement Star Wars, Kin-Dza-Dza coûte la tolérance de sa sottise et de son manque de finition (ne serait-ce que des plans sur une planète supposée sans air où l’on distingue bien le vent dans les cheveux) pour se faire apprécier comme la digne preuve que les Russes ont gagné la course à l’espace avec Tarkovski, puis avec Georgiy Daneliya, mort ce 4 avril.
Quantième Art