Kippour s'articule autour de deux séquences, impressionnantes.
La première est un trajet chaotique en voiture des deux personnages que l'on suivra pendant deux heures. Traversant Israël pour rejoindre ce conflit qui a éclaté par surprise, le film montre à merveille l'excitation mélangée à la peur des réservistes, l'envie d'en découdre mêlée à celle de ne pas mourir. Il montre également, lors d'un plan séquence en voiture mémorable, les conséquences sur l'organisation de cette attaque surprise ; une armée prise au dépourvu, une cohue d'humains perdus, courant dans tous les sens, rythmée par les bombardements qui menacent au loin.
La seconde est une virée en hélicoptère depuis lequel Amos Gitai filme le Golan meurtri, déformé, strié par les chenilles de chars désorientés, embourbés dans un champ de bataille boueux et apocalyptique. Puis une roquette atteint l'hélicoptère, tuant et blessant, avant que celui-ci ne s'écrase. Cette scène, là encore en un plan séquence impressionnant, prend aux tripes, ne nous donnant qu'un point de vue interne, étouffant le spectaculaire pour mieux lui faire sentir l'angoisse et la perte de repères.
C'est la recette de ce film ; longs plans séquences et refus du spectaculaire, silence des hommes mais bruit assourdissant des machines.
Kippour ne se concentre pas sur le conflit, ne montrant à aucun moment l'ennemi, donnant parfois l'impression d'un conflit schizophrénique (des chars tirant dans le vide), mais sur ses conséquences ; les blessés, les morts, les traumas psychologiques. Gitai raconte en effet, près de 30 ans après, sa propre expérience en tant que soldat dans ce film qu'il veut très personnel.
Dommage que le film sacrifie son art de l'immersion et sa puissance visuelle par une forme radicale (des plans séquences beaucoup trop longs), une extrême lenteur et une absence de récit et d'enjeux qui rendent la plupart du temps son Kippour trop âpre, par une volonté permanente de tout désamorcer.