Quel ovni que ce film! Difficile à décrire, tel un opéra du fait de sa construction et de la musique envoûtante de Phillip Glass. L'oeuvre de Reggio commence à vrai dire assez lentement, faisant comprendre son approche introductive centrée sur un enchaînement de plans de paysages. Assez agréable, ce début n'est en fait qu'un aspect minime du film. En effet, à ce début plutôt calme succède une partie dédiée à l'évolution industrielle de l'activité humaine, qui fait prendre une dimension tout autre à Koyaanisqatsi.
On passe alors à des plans vertigineux accouplés à une musique enivrante, créant un ensemble qui, peu à peu, devient inquiétant pour carrément se révéler angoissant. C'est donc le sentiment qui m'a envahi vers la fin du film, ne pouvant détacher mon regard de ces images effroyables montrant l'humain dans sa médiocrité la plus profonde. Les regards désabusés des passants, les innombrables immeubles abandonnés, le surpeuplement des villes... Reggio réussit à montrer en quoi le sens que nous essayons tous de donner à la vie est inexistant, voire qu'il n'a pas lieu d'être.
Les premières images de la nature représentent, au contraire, un phénomène paisible et patient, dénué de défauts car naturel, justement, alors que tous les gratte-ciels et autres casinos ont été créés stupidement par l'homme, dont l'ego surdimensionné n'a pas vu venir l'échec cuisant de sa démarche.
Et c'est là que l'avant-dernier plan marque la perfection du film : cette fusée, représentation suprême de l'ambition démesurée des humains, décolle à toute vitesse vers les cieux pour exploser après quelques instants d'euphorie, démontrant que nous avons voulu, comme Icare, nous rapprocher du soleil (nous croyant indestructibles), mais que nos actions ne pourront en fin de compte qu’accélérer notre fin.