Têtes en l'air
Que les films de Takeshi Kitano ne soient plus distribués dans les salles françaises témoigne sans aucun doute d'une baisse de qualité du réalisateur japonais dont la grandeur des années 90 semble...
le 6 juin 2024
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Perché sur son promontoire, s'amusant de la piétaille qui s'ébat dans la boue et se massacre allègrement à ses pieds, il y a dans ce Takeshi le souvenir de la bouffonnerie de sa période d'avant-réalisateur et du show télé Takeshi's Castle (1986-1989). Beat Takeshi s'amuse et tourne en dérision une page importante de l'histoire du Japon et démolit l'éthique samouraï qui y est associée. De grands noms de la période d'unification du pays y sont présentés sous des portraits peu flatteurs (lâches, calculateurs, déloyaux voire brimés) et certains événements réduits à des histoires de cul, notamment celle improbable mais centrale ici entre Murashige et Mitsuhide (deux ennemis qui se jalousaient). Nobunaga n'est pas en resteavec sa suite (concernant la relation homosexuelle avec le jeune Ranmaru il y a matière à débattre) mais c'est surtout sa personnalité qui peut étonner et déconcerter -- jusque dans sa manière de parler, des intonations qui semblent très modernes -- et place le film sous un aspect léger. On sait que le personnage historique était fantasque et iconoclaste, ici c'est dessiné jusqu'à la caricature. On pourrait y voir un commentaire social, cette période étant une parenthèse où tout était possible, où des faibles ont pu renverser des puissants, des hommes de basse extraction devenir les dirigeants du pays. Ce n'est pas un hasard si Hideyoshi devient le personnage central du film par glissement, au détriment de Nobunaga qui lui est né noble, ni l'emphase autour du personnage de Mosuke, un paysan qui rêve de capturer la tête d'un général ennemi pour devenir un samouraï renommé, ou encore Sorori le ninja qui fait des vas-et-viens entre les castes.
Dans le côté iconoclaste on relèvera le personnage interprété par Takeshi qui moquera une cérémonie de seppuku ou donnera un coup de pied dans la tête d'un général décapité. Personnellement j'y vois une hyperbole du caractère nihiliste de cette fin de XVIe siècle japonais décidément trouble, quasi-millénariste (un ordre vieux de mille ans s'effondrait, tandis que les courants religieux populaires prenaient de l'essor, notamment celui de la Terre Pure). L'Histoire retiendra que le personnage le plus rationnel de tous, le froid et calculateur Ieyasu Tokugawa, a mis un terme à ce joyeux bordel en mettant le pays sous sa coupe en imposant ce que l'on nommerait aujourd'hui une dictature militaire. Clap de fin. Le rideau se referme sur le temple du Honnô-ji. Le film nous a distraits par intermittences durant deux heures.
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Créée
le 10 sept. 2024
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