Films après films, le studio Laika s’est construit une filmographie cohérente et ambitieuse, explorant à travers chacune de ses œuvres des imaginaires plus ou moins exotiques imprégnés de mythologies tantôt Anglo-Saxonnes (Coraline), Américaines (L’étrange pouvoir de Norman) ou encore scandinaves (Les Boxtrolls). Kubo et l’armure magique met cette fois à l’honneur un Japon médiéval teinté de légendes ancestrales où les dieux et les esprits font partie intégrante de la destinée humaine. Kubo est un jeune garçon qui vit seul avec sa mère dans un village perdu quelque part dans la campagne japonaise. Conteur hors pair, il provoque la joie autour de lui en mettant en scène les exploits de Samouraïs grâce à ses marionnettes ensorcelées qui prennent vie au son de sa guitare. Mais le jour où son village est détruit par une force maléfique, Kubo va devoir se mettre en quête de ses origines et vivre une épopée aux dangers bien réels. Son grand-père, sorte de créature monstrueuse et omnipotente, souhaite l’entrainer dans le monde des esprits. Seule solution pour Kubo : trouver la fameuse armure magique de son père, dont les morceaux sont disséminés un peu partout sur le territoire.
Dernier bastion de l’animation en stop-motion (ou image par image), le Studio Laika renouvelle la forme traditionnelle en la sublimant grâce à l’ajout d’images de synthèses qui donnent naissance à une œuvre d’une beauté plastique subjugante. Si toutes les films du studio bénéficiaient déjà d’une qualité visuelle particulièrement léchée, Kubo met la barre encore plus haute en proposant un imaginaire somptueux, où la chaleur des couleurs vient illuminer l’onirisme des décors. Jamais l’animation n’aura été aussi fluide ni les détails aussi nombreux. Kubo nous emporte dans un tourbillon de formes et de couleurs où chaque accessoire et chaque décor semble ouvrir un imaginaire beaucoup plus vaste et dont le film ne donnerait à voir qu’un aperçu. Sa structure narrative (une quête existentielle qui rappelle celle du Seigneur des Anneaux) permet de faire se succéder les espaces d’un Japon fantasmé, où les influences iconographiques se mêlent les unes aux autres sans pour autant céder à la tentation du patchwork indigeste. Les marionnettes utilisées donnent aux personnages une véritable matérialité qui ne rend que plus manifeste leur humanité latente. Certes, les aventures de Kubo sont peut-être un peu moins cartoonesques et loufoques que celles de Norman, mais peu importe : l’émotion, plus prégnante que jamais, l’emporte sur tout le reste.
Ambitieux, le film ne l’est pas seulement dans sa forme, mais également dans son propos, qui révèle une finesse d’écriture aux antipodes de la mièvrerie de certaines productions pour enfants. Si le thème du deuil crée un fil conducteur à travers toutes les œuvres du Studio Laïka (deuil de l’enfance pour Coraline et des proches pour Norman), jamais celui-ci n’aura été traité avec autant de finesse et de retenue que dans Kubo. La beauté des images permet ainsi de servir d’écrin à la justesse des mots utilisés, conférant à l’œuvre un regard subtil et profond sur un sujet pourtant si difficile à traiter. En faisant du personnage principal un petit conteur qui se retrouve propulsé dans une de ses aventures, le réalisateur semble effacer la frontière pourtant déjà si ténue entre mythe et réalité. Et on se retrouve, comme le public à qui Kubo raconte son histoire, avec le seul désir que celle-ci ne s’arrête jamais.
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