Feuille rousse, feuille folle !
Sur le chemin de l’école,
J’ai rempli tout mon panier,
Des jolies feuilles du sentier.
Laika s’est fait une envieuse réputation de créativité, avec Coraline (2009), L'Étrange Pouvoir de Norman (2012) et Les Boxtrolls (2014), en proposant des caractères-designs souvent dérangeants. Kubo ne démérite pas, même si le dessin s’est fait plus conventionnel. Le studio américain s’est fait une spécialité du stop motion, un exigeant travail de prise de vue, image après image, de marionnettes animées ; rappelez-vous de la pâte à modeler des premiers Wallace et Gromit ; sur un décor réalisé en plateau. La technologie autorise aujourd’hui l’insertion d’images 3D. L’animation est désormais tellement fluide qu’il est, honnêtement, devenu impossible de distinguer les deux techniques. Le résultat est beau, Travis Knight ne recherche pas le réalisme absolu des dernières productions Disney/Pixar. Il assume l’aspect “pantin animé“ de ses créatures, en leur offrant une patine bienvenue, vous apprécierez le travail sur les cicatrices des visages ou l’usure de l’armure du géant cafard.
Le principal attrait de Kubo réside dans le scénario qui mêle habilement Japon médiéval, fantastique et onirisme. Le jeune garçon a perdu son père. Il vit, caché, avec sa mère, qui semble avoir perdu l’esprit. Elle lui conte, par bribe, des histoires épiques de samouraïs, qu’il met en scène, pour survivre, sur la place du marché. Kubo donne vie à de délicates créatures de papier, pour le plus grand plaisir des paysans. Mais, un soir, il se laisse surprendre et attaqué par deux tantes ninjas. Il doit fuir et se battre. Son talent grandit, il animait quelques feuilles de papier pliées. Il maitrise désormais dix, cent, mille, feuilles d’arbres, feuilles volantes et vivantes.
Feuille rousse, feuille folle.
Tourne, tourne, tourne et vole !
Tu voltiges au vent léger
Comme un oiseau apeuré…
Mais le frêle oiseau a pris confiance en lui, il s’est démultiplié et enhardi, il s’est fait vol, essaim, trombe…
Particulièrement réussis sont les seconds rôles : la guenon maternelle et combative, le samouraï scarabée écervelé, le mini guerrier de papier ou la malicieuse petite vieille du marché. On déplorera une bande son insignifiante, une quête qui pèche par sa linéarité (les compères, l’épée, l’armure, le casque et l’ultime baston) et une résolution finale hâtive. Au final, Kubo demeure néanmoins une jolie surprise. La quête des racines est bien traitée, le gamin retrouvera père et grand-père. Vous apprécierez l’allégorie de l’œil et du regard. Le dieu lune et ses filles s’interdisent de voir les humains, de peur d’être touchés par leur misère. La difficulté n'est pas de voir, mais d'admettre ce que l’on voit, et surtout ce que l’on ne se refuse à voir.
PS Extraits d’un poème de Luce Fillol.