Travis Knight signe ici son premier film en tant que réalisateur avec la quatrième production des studios Laika, *Kubo et l'armure magique*. Mis à part l'événement / la baffe *Coraline* (2009), l'adaptation par Henry Selick du roman de Neil Gaiman, il a été l'animateur principal des autres films du studio qu'il dirige, à savoir *ParaNorman* (2012) et les *Boxtrolls* (2014).
*Kubo et l'armure magique* nous présente, dans un japon médiéval fantasmé, les aventures du personnage éponyme, garçon borgne s'occupant de sa mère. Toujours accompagné de son shamisen magique, instrument traditionnel, qui lui permet de donner vie à des figurines en origami pour conter des histoires à la foule et ainsi gagner modestement sa vie. Contrevenant aux indications de sa mère en restant dehors une nuit, il se met à la merci de ses tantes qui veulent récupérer son autre œil à la demande de son grand-père, le Roi Lune. Pour lui sauver la vie, sa mère se sacrifie. Kubo, aidé par un singe, totem tutélaire, et un scarabée géant amnésique, doit désormais rassembler l'armure magique, jadis portée par un samouraï de légende : son père.
Énième réécriture du héros au 1001 visages, schéma archétypal du voyage initiatique mono mythique, la narration suit ici la classique quête d'artefacts parcourue de combat afin de gagner en force et ainsi vaincre un puissant adversaire. Le récit n'en est toutefois pas moins riche tant les personnages, introduits de manière très simple, s'avèrent complexes et attachants. Même les antagonistes sont riches de par leurs motivations qui s'éloignent d'un simplisme habituel. Bien que la révélation quant à l'identité réelle des adjuvants est presque attendue, la résolution relativement heureuse du conflit, malgré les pertes occasionnées, fait de cette production un long-métrage rempli d'humour et pas dénué de maturité pour autant.
Mais plus qu'un véritable hommage au chanbara, l'intérêt du film passe par les histoires contées et animées par Kubo, représentant ainsi une véritable mise en abîme, notamment lorsqu'une fillette s'extasie devant la giclée de sang en confettis, malgré son père essayant en vain de lui cacher cette violence avec sa main. En effet, les poupées en origami, prenant vie par magie, renvoient à la forme artisanale mise à l'honneur dans toutes les productions des studios Laïka : le stop-motion. L'animation en volume, nous sortant des canons esthétiques imposés par les grandes productions animées Disney / Dreamworks, représente un travail considérable, et celui-ci est ici magnifiquement rendu, avec un coup de pouce de la CGI, notamment grâce aux décors gigantesques et profonds donnés à voir. On pense particulièrement à cet océan sur lequel aura lieu un combat pour le moins acrobatique, et à la vaste étendue de désert blanc en tempête dans laquelle le singe réveille notre héros au kimono rouge. Même les moins réceptifs à cette forme d'animation pourront apprécier le spectacle tant elle est fluide tout au long du film.
De plus, les injonctions données en voix-off à l'ouverture, et répétées à différents moments, telles celles nous enjoignant à cligner des yeux maintenant si on doit le faire, et à ne surtout pas perdre de vue notre héros sous peine de provoquer sa mort, met justement en perspective le travail qu'a nécessité chaque plan, chaque seconde, chaque pose, et que chaque clignement d’œil nous prive de plusieurs heures d'efforts passés à constituer le cadre avant de l'immortaliser et de passer au suivant. Un micro making-of en accéléré de la scène du squelette géant fait d'ailleurs figure d'amorce au générique. Générique devant lequel on restera jusqu'au bout, tant par son animation que pour sa reprise de *While my guitar gently weeps* au shamisen, instrument du personnage que nous pouvons déjà entendre dans d'autres pistes sonores du film.
Cette réflexion intelligente sur la filiation et l'héritage nous fera donc espérer que le « Fin » scandé en voix-off pour clore le film n'exprimera pas celle du studio, dont les films suivant *Coraline*, qui avait pourtant tant enthousiasmé, attirent de moins en moins de public dans les salles.