À travail titanesque, superbe fresque : voilà comme résumer Kubo and the Two Strings, la dernière production de chez Laika, qui semble persister (il s’agit du tout premier film issu du studio que je visionne) dans une démarche artistique originale.
En effet, difficile de passer outre l’enveloppe formelle à tomber (à la renverse) de ce long-métrage d’animation de Travis Knight, ses équipes accouchant d’une œuvre somptueuse : comme bien souvent, la mythologie japonaise propose un vivier de codes visuels dantesque, un potentiel hors-norme que Kubo a pleinement saisi pour l’occasion. L’empreinte poétique de ce périple atypique se veut donc marquante, tant l’ambiance s’en ressent : il va donc sans dire que l’on est transporté avec aisance au sein de ce récit pétri de bonnes intentions, à commencer par une démarche « technique » proprement grisante.
Là est donc la grande force de cette quête placée sous l’égide d’un borgne et de son shamisen, figure de proue d’un voyage dépaysant s’il en est : le soin apporté au graphisme transpire de toutes part, d’une certaine quiétude onirique propres à de sublimes tableaux, mais aussi au travers de séquences plus épiques dans leur essence, ces dernières illustrant une quintessence des plus certaines quant à la claque visuelle qu’est Kubo.
Comme déjà mentionné, l’atmosphère est dans une même veine délectable à souhait, le long-métrage y apportant une palette de nuances brillante : la première apparition des « Tantines » est notamment excellente, aux contes animés et colorés (et une chaude mélancolie) succédant, subitement, un rideau de pénombre froid, point d’ancrage d’un grand frisson que l’on accueille avec un plaisir ambivalent.
En somme, l’immersion est assurée de bout en bout, Kubo and the Two Strings couplant péripéties divertissantes, protagonistes (hautement) attachants et une patte visuelle frisant la perfection ; pour autant, bien que l’on serait tenté de dresser un bilan dithyrambique jusqu’ici, le long-métrage fait montre de quelques limites dommageables... mais en rien rédhibitoires.
Celles-ci sont d’ailleurs rares, Kubo demeurant dans sa finalité une bien belle preuve de la créativité encore vivace des studios occidentaux (autre que Pixar) : toutefois, qu’il est regrettable de ressentir à quel point celui-ci aurait pu être encore plus abouti, la faute à une durée de film n’excédant que d’une courte tête les 1h30. Conséquence inévitable : là où le développement de ses personnages hauts en couleurs se posait comme une pierre angulaire de sa réussite, le peu de temps à leur accorder fini par entacher leurs forces respectives. L’humour se veut ainsi en berne, pis encore la composante dramatique du tout manque de force, tandis que le récit se voit contraint de dérouler dans la précipitation les dernières pièces de son dénouement.
Une petite déception donc, au regard de cette « tragédie » familiale se concluant d’une bien belle manière, mais aussi à l’écoute d’un casting vocalement irréprochable : Charlize Theron d’abord, mais surtout Matthew McConaughey, impeccable en Scarabée comique sans l’être. Enfin, dans un tout autre registre, la symbolique des deux cordes est si magnifique que l’on ne peut que pointer du doigt le fait d’avoir renommer le titre du long-métrage, comme si le public n’était pas assez fin pour en saisir toute la subtilité.
Pour le reste, difficile de ne pas bouder son plaisir devant cette démonstration technique ahurissante, doublée d’une intrigue jonglant plutôt bien entre décors d’orient et la quête initiatique plus convenue de son jeune héros... mais dont la conclusion désarçonne fort bien cette idée de classicisme régissant son épopée.