En 2012, DreamWorks Animation s'associe avec trois investisseurs chinois : China Media Capital, Shanghai Media Group et Shanghai Alliance Investment, afin de fonder le studio Oriental DreamWorks qu'ils détiennent à hauteur de 55% des parts. Par cette association, DreamWorks devient alors la première entreprise qui obtient une licence d'exploitation et d'exportation de ses oeuvres en Chine. Oriental DreamWorks est évidemment une belle aubaine à une période où Dreamworks Animation essuie plusieurs revers financiers, notamment en raison de l'incompréhensible échec de Rise of the Guardians.
Afin d'économiser un peu, la troisième aventure de Pô sera co-réalisé avec la Chine. Environ un tiers du film est ainsi réalisé par Oriental DreamWorks, une première pour un studio américain, dont la décision sera lourde de conséquence pour le long-métrage. Car en n'étant pas contributeur majoritaire dans la branche orientale, Dreamworks Animation doit faire des concessions. La principale étant d'être complètement en accord avec le département de la propagande du Comité central du Parti communiste chinois, le tout aussi célèbre que décrié comité de censure de l'empire du milieu.
De fait, le scénario va se retrouver bridé (vous me pardonnerez l'expression) dans son approche. Il faut écarter Pô comme héros de l'intrigue, dès lors, on comprend que les scénaristes Jonathan Aibel et Glenn Berger, déjà à l’écriture sur Kung Fu Panda et Kung Fu Panda 2, veulent emmener leurs spectateurs dans une histoire différente, un peu plus subtile et en accord avec le comité de censure Chinois : l'union fait la force. Pô sert, tout au long du film, de catalyseur pour toutes les personnes qui l'entourent, afin de les unir contre un ennemi commun. Le film va évoquer de manière allégorique les grands principes de la philosophie orientale du Qi. Pô réussit donc là où son ennemi : le Général Kai va échouer, en voulant conserver un immense pouvoir à lui tout seul.
Malgré cette co-production, le cahier des charges garde une prédominance qui est marquée par le besoin de rester au plus près des premiers opus de la franchise. C’est pourquoi la réalisatrice Jennifer Yuh Nelson, déjà à l’œuvre sur Kung Fu Panda 2, rempile. Elle est accompagnée par Alessandro Carloni qui a travaillé en tant que storyboarder sur les deux premiers opus.
Kung Fu Panda 3 sort au début de l’année 2016 aux États-Unis et en Chine, ainsi qu’à la fin du premier trimestre dans le reste du monde.
Le film regorge de bonnes idées, placées ici et là de manière judicieuse et brise, enfin, la fatidique malédiction du troisième volet raté, tradition malheureuse de DreamWorks jusqu'ici. Par exemple, l'opposition entre le père biologique et le père adoptif de Pô est un vrai régal. Les deux s'affrontent, s'opposent, finissent par se comprendre et s'acceptent mutuellement. L'autre bonne idée du récit, et qui me faisait peur, c'est le traitement apporté au village des pandas. Je redoutais plus que tout que le film s'enlise devant la multiplication des personnages. Contre toute attente, ils sont présentés agréablement, sans jamais surenchérir avant de revenir vite au coeur de l'intrigue globale. On regrettera juste que le film soit pour cela obligé de reléguer à l'arrière-plan les Cinq Cyclones, à l'exception de l'excellente Tigresse.
Visuellement, le film cache moins de codes visuels que ces prédécesseurs, mais il fait le choix du vert de jade comme couleur dominante. La couleur est en occident associé au calme, à l'environnement mais aussi à l'espérance. Tout au contraire, en Chine, le vert a une valeur négative et s'oppose au rouge qu'il est impardonnable d'associer entre eux. Il est d'ailleurs intéressant de voir comment le film joue sur les couleurs tout au long de l'intrigue. Le monde spirituel est chaleureux et dominé par le doré jusqu'à ce que Kai le pervertisse. Dans le monde des vivants, c'est principalement le rouge qui prédomine dès lors que le bonheur règne. Dès que la tension monte et que la menace de Kai apparaît, c'est l'ocre qui prend le pas sur le reste des couleurs. Dans les moments de calme et de nostalgie, on assiste à une dominante de bleu, qui s'avère une excellente association avec le village reculé des pandas.
Pour la bande originale, Hans Zimmer rempile pour la troisième fois sur la saga, mais cette fois en solitaire (il était accompagné de John Powell dans les deux films précédents). Il compose une partition dont les thèmes les plus dominants sont la tristesse et le regret. Le film démarre d'ailleurs sur une reprise du thème principal de Kung Fu Panda, mais cette fois joué majoritairement avec des instruments à cordes accompagné d'instruments à vent en arrière fonds. Cela donne immédiatement la tonalité générale du film, porté entre la nostalgie d'un passé qui hante ses protagonistes et l'espoir d'un renouveau grâce à l'intervention du Guerrier Dragon. On retrouve constamment cette dualité dans la bande originale du long-métrage, que ce soit sur le magnifique thème de Kai (qui revient adroitement à plusieurs moments du film et qui fait du Général Kai un très grand antagoniste) ou encore celui de la relation entre Pô et son père biologique.
Kung Fu Panda 3 est divertissant dans les grandes lignes grâce à son protagoniste attachant et touchant, ainsi qu’à ses scènes d’action et son rendu visuel. Il marque les esprits, à l’image de la bande originale réalisée par Hans Zimmer avec la collaboration de Lorne Balfe et de Lang Lang qui dynamisent le tout avec des compositions iconiques qui cherchent à amplifier les émotions produites par la bande image.