C'est une longue et belle histoire qui a commencé avec le magnifique Hôtel des Amériques. André Téchiné trouvait dans ce film l'interprète à laquelle il serait le plus fidèle dorénavant, Catherine Deneuve, réunie avec un Patrick Dewaere exceptionnel. Son actrice préférée est de nouveau de l'aventure de L'adieu à la nuit, aujourd'hui dans le rôle d'une grand-mère et peu de comédiennes auraient pu réaliser une performance aussi sobre qu'émouvante. Bien entendu, le film tourne autour de la radicalisation d'une certaine jeunesse mais le but de Téchiné n'est pas tant d'expliquer les racines du mal, il n'a pas l'âme d'un documentariste ni d'un moraliste, mais d'explorer une fois encore les relations humaines, et en particulier familiales, avec toute la sensibilité que l'on reconnait à l'auteur de Souvenir d'en France. Téchiné, malgré le poids des ans, reste absolument maître d'un scénario (écrit avec Léa Mysius, la réalisatrice d'Ava) qui privilégie les rapports entre une femme âgée et son petit-fils (excellent Kacey Mottet Klein). Les meilleurs scènes sont celles qui "opposent" les deux personnages principaux tandis que celles où le jeune homme se retrouve parmi ses amis exaltés paraissent nettement moins assurées voire parfois maladroites. Le sujet est dramatique et dans l'air du temps mais Téchiné ne cherche pas à le creuser plus avant (d'autres films l'ont fait avant lui) puisque ce qui l'intéresse depuis toujours c'est le romanesque de nos vies y compris dans les moments de crise et de violence sourde. Forcément, certains seront peut-être frustrés de ce parti-pris intimiste qui a pourtant le mérite de s'éloigner de tout cliché et qui se concentre sur l'humain en privilégiant une élégie du printemps contre les pulsions de mort.